Au moment ou le journa Les Echos s’évertue à présenter dans ses plus beaux atours le COMEX qui va mettre en place le plan Carrefour 2022, d’autres sources sont plus réservées sur les implications financières du projet. Devant le déferlement médiatique auquel nous assistons de la presse aux ordres – et aux analyses à courte vue – nous redonnons une place à une version moins idyllique qui permettra à chacun de faire sa propre analyse : la vision de S&P Global.
Le profil de risque de Carrefour
Une plongée en eau profonde sur l’avenir à moyen terme du commerce selon Saint Carrefour met à jour des failles dans le plan de transformation. Nous diffusion ici une note diffusée le 31 janvier 2018. Le texte original est en anglais et publié sous le titre Credit FAQ: A Deeper Dive On Retailer Carrefour’s Trading Update And Transformation Plan.
“Le distributeur alimentaire français Carrefour S.A. a publié des ventes annuelles plus faibles que prévu pour 2017, reflétant un ralentissement de la croissance et une baisse significative de son estimation de rentabilité. Par la suite, le 23 janvier, le groupe a dévoilé un important plan de transformation à long terme.
Le plan quinquennal «Carrefour 2022» vise plusieurs étapes, dont l’ouverture d’au moins 2.000 magasins de proximité, 5 milliards d’euros de ventes de produits alimentaires dans le commerce électronique et les produits biologiques, de lourds investissements dans le numérique et un tiers des total des ventes grâce à ses propres produits de marque d’ici 2022.
Les étapes stratégiques décrites par le management ont une large portée et ont des objectifs ambitieux. S’il est bien exécuté, le plan devrait améliorer considérablement la compétitivité et la génération de cash-flows à long terme de Carrefour en cherchant à réduire les coûts de 2 milliards d’euros d’ici 2020. Selon nous, l’accent mis sur le confort et la capacité omnicanal devrait également renforcer les capacités du groupe, pour mieux résister aux changements structurels qui se produisent dans le secteur plus large du commerce de détail.
Cependant, dans le contexte des pressions concurrentielles qui prévalent sur le marché français de la distribution alimentaire, nous pensons que la faible croissance du chiffre d’affaires et une rentabilité plus faible mettent en cause nos opinions sur la solidité du profil de risque de Carrefour.
Alors que nos notes «BBB +» et la perspective stable sur Carrefour SA restent inchangées pour le moment, nous voyons des risques baissiers pour le profil de crédit du groupe émanant de notre vision des performances, de la baisse significative de rentabilité et des coûts supplémentaires de son plan de transformation. Nous attendons des informations plus détaillées dans les semaines à venir sur les spécificités et les coûts du plan de transformation. Ces éléments supplémentaires – ainsi que les résultats annuels audités le 28 février 2018 – seront essentiels pour définir de manière définitive le profil de risque du groupe et, en définitive, l’orientation future de sa qualité de crédit.
En attendant, nous répondons aux questions les plus fréquentes que nous avons reçues sur nos opinions concernant les développements récents, nos hypothèses actuelles, nos prévisions, nos notes et perspectives sur Carrefour.
Que pensez-vous de la performance opérationnelle récente du groupe ?
La récente mise à jour annuelle des ventes de Carrefour est plus faible que prévu. Malgré une amélioration au quatrième trimestre 2017, les ventes à données comparables n’ont progressé que de 1,6% sur l’ensemble de l’exercice 2017, contre 3,0% l’année précédente (cf. graphique 1).
Graphique 1
En outre, la direction estime que son résultat opérationnel courant baissera de 15% en 2017, en raison notamment des fortes pressions concurrentielles sur le marché français de la distribution alimentaire, de la hausse des coûts de distribution et des pertes des magasins ex-Dia., mais aussi en raison d’une augmentation de la dépréciation après une période d’investissements importants. Malgré la baisse modérée des investissements à 2,1 milliards d’euros contre 2,4 milliards d’euros en 2016 (hors foncier Cargo), le free cash flow opérationnel du groupe en 2017 est passé de 1.039 millions d’euros en 2016 à environ 950 millions d’euros. reflètent les graves défis concurrentiels et opérationnels auxquels le groupe est confronté, tant dans son pays d’origine, en France, qu’à l’étranger, en particulier en Amérique latine.
À notre avis, il est peu probable que ces défis s’atténuent en 2018. Par conséquent, nous prévoyons que les perspectives d’opérations du groupe demeureront difficiles en 2018.
Quels sont vos points de vue sur le plan de transformation et quels sont selon vous les principaux risques ?
Nous constatons que le plan de transformation à long terme de Carrefour vise à être plus centré sur le client et à développer sa capacité omnicanal, tout en réduisant ses coûts d’exploitation. Le plan prévoit une refonte du positionnement du groupe dans les hypermarchés (hypermarchés) afin de réduire la fréquentation de ce format et d’étendre sa présence dans le confort segment. Selon nous, l’ampleur du plan de transformation est assez vaste, en particulier autour du redressement du format hypermarché, les hypermarchés générant actuellement plus de la moitié du chiffre d’affaires du groupe en France. Cela entraînera une révision de ses dépenses en capital prévues, en mettant davantage l’accent sur l’accélération de ses capacités numériques et de commerce électronique pour faire face à un marché et à un paysage concurrentiel qui perturbe de plus en plus l’industrie par la numérisation.
Le plan vise à réaliser des économies de coûts de 2 milliards d’euros d’ici 2020 en réduisant les effectifs de Carrefour à son siège social de 2.400 personnes et par le biais de diverses autres initiatives de réduction des coûts.
Cependant, les coûts d’exécution de ces plans, y compris les coûts de restructuration connexes, n’ont pas été précisés. Il est clair que le groupe encourra probablement des coûts de licenciements, des fermetures de magasins et des coûts de restructuration importants à mesure qu’il déploiera progressivement ce plan de transformation.
Par conséquent, les coûts et l’impact du plan sur les marges opérationnelles futures du groupe sont inconnus à ce stade. Nous prévoyons que le groupe aura du mal à mettre en œuvre ce plan de transformation complexe et ambitieux au cours des prochaines années dans le contexte d’un marché français de la distribution alimentaire extrêmement concurrentiel et difficile.
En conséquence, nous voyons des risques de niveau d’exécution dans ce plan et le rythme de sa mise en œuvre. Cela dit, la nouvelle équipe dirigeante, notamment le Directeur Général et le Directeur Financier, ayant exercé des fonctions similaires chez Fnac Darty, possède une expérience significative dans le commerce électronique et devrait être bien placée pour poursuivre la stratégie digitale et omnicanale de Carrefour. S’il est bien exécuté, le plan devrait améliorer considérablement la compétitivité à long terme de Carrefour et la génération de flux de trésorerie. À notre avis, l’accent mis sur le développement de la commodité et de la capacité omnicanal devrait également renforcer la capacité du groupe à mieux résister aux changements structurels qui se produisent dans le secteur de la vente au détail dans son ensemble.
Quel sera l’impact de ces annonces sur les métriques de crédit de Carrefour ?
L’impact de la baisse des bénéfices sur les indicateurs de crédit de Carrefour a été quelque peu atténué par le produit d’environ 1,3 milliard d’euros de l’introduction en bourse de la filiale brésilienne de Carrefour. Fait important, Carrefour conservera le contrôle et l’accès aux liquidités générées par sa filiale brésilienne, puisqu’elle détient toujours plus de 70% de Grupo Carrefour Brésil, et le produit de l’introduction en bourse a été conservé principalement pour rembourser la dette du groupe. les échéances. Nous pensons que ce plan, conjugué à la forte concurrence des prix sur le marché français de la distribution alimentaire, devrait peser sur la rentabilité et la génération de cash-flow du groupe, au moins à court terme. Alors que nous prévoyons qu’une partie de la réduction des coûts sera réinvestie dans des prix plus bas pour améliorer sa compétitivité, le groupe devrait être en mesure de mieux gérer sa rentabilité s’il parvient à atteindre les objectifs de rentabilité d’ici 2020. Nos prévisions tiennent compte également Nous nous attendons à ce que Carrefour équilibre ses dépenses d’investissement et de fonds de roulement avec les dépenses de son plan de transformation afin de limiter l’impact de la baisse de la rentabilité sur ses indicateurs de crédit.
La direction a déjà réduit ses dépenses d’investissement pour 2017 à 2,1 milliards d’euros contre 2,4 milliards d’euros en 2016 (hors Cargo), les dépenses en 2018 devant être de l’ordre de 2 milliards d’euros. Cela dit, nous ne prévoyons pas d’autres réductions importantes des prévisions de dépenses d’investissement du groupe, puisqu’il a annoncé son intention d’investir 2,8 milliards d’euros de dépenses d’exploitation et de dépenses d’investissement sur cinq ans pour renforcer ses capacités numériques et omnicanales. Suite à la récente mise à jour des chiffres d’affaires en fin d’année et aux attentes d’une baisse d’environ 15% du résultat opérationnel courant pour 2 milliards d’euros, nos prévisions préliminaires (en attente d’un exercice complet) indiquent que si les indicateurs de crédit vont s’affaiblir, ils resteront vraisemblablement proportionnels à nos seuils de profil de risque financier. Bien que la direction n’ait fourni aucune indication sur le BAIIA, nous croyons que le BAIIA devrait être moins touché en raison de l’augmentation de l’amortissement et des charges hors caisse. Plus précisément, la dette ajustée par rapport au BAIIA devrait demeurer inférieure à 2,5x et les fonds provenant des opérations (FPE) à des dettes de l’ordre de 35% à 37%.
Cependant, nous prévoyons que les indicateurs du flux de trésorerie disponible ajusté (FOCF) et des flux de trésorerie discrétionnaires (DCF) resteront faibles en raison des investissements continus et de la poursuite de la politique de dividende. Néanmoins, les indicateurs de crédit de base pour Carrefour devraient continuer à indiquer un profil de risque financier intermédiaire conformément à notre méthodologie.
D’où voyez-vous les pressions d’évaluation ?
Compte tenu de la marge relative dans les indicateurs de crédit du groupe, en particulier de ses ratios de crédit de base, les pressions de la baisse des ventes proviendront probablement de l’affaiblissement du profil de risque du groupe en raison de la baisse de la rentabilité. Comme nous le soulignions dans notre publication de septembre 2017, une baisse de la part de marché de Carrefour en France et une dérive de ses principaux marchés internationaux, si bien que la marge d’EBITDA ajustée de S&PGR était inférieure à 5% période prolongée. Nous pensons que les marges du groupe continueront à être déprimées par des investissements prix et des actions promotionnelles pour protéger les parts de marché notamment en France (cf. graphique 2). Le groupe devrait également supporter des coûts de restructuration significatifs lors de la mise en œuvre du plan de transformation, de manière significative, ceux-ci sont inconnus à ce stade. Ceci, combiné à la concurrence continue des prix sur le marché français de la distribution alimentaire, affectera négativement la rentabilité et la génération de cash-flow du groupe, au moins à court terme, avant que les bénéfices tangibles de la mise en œuvre du plan ne soient constatés.
Graphique 2
Quelle est la base de votre solide évaluation des risques de l’entreprise pour Carrefour et comment est-elle susceptible d’évoluer ?
Avec 88 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017, Carrefour est l’un des plus grands distributeurs mondiaux en termes de chiffre d’affaires. La taille, l’envergure et la présence de Carrefour dans plus de 30 pays soutiennent la force de son activité, à notre avis. Malgré le contexte concurrentiel difficile sur son marché domestique, nous prévoyons que Carrefour maintiendra sa forte position sur le marché français de la distribution alimentaire. Sa forte position concurrentielle en France, ainsi que sa diversification internationale ailleurs en Europe et en Amérique latine, sont les principales pierres angulaires de notre solide évaluation du profil d’activité du groupe. Cependant, l’intense concurrence sur les prix, notamment entre les deux leaders du marché en France – Carrefour et Leclerc – pèsera sur la rentabilité du groupe, puisque la France représente la moitié du chiffre d’affaires et de l’EBIT de Carrefour. Dans le contexte de ces pressions concurrentielles dominantes sur le marché français de la distribution alimentaire, nous pensons que la faible croissance du chiffre d’affaires et la faiblesse de la rentabilité, en particulier, testent nos points de vue sur la résilience de la forte activité de Carrefour profil de risque. Les étapes stratégiques décrites par la direction ont une large portée. Le plan vise à résoudre plusieurs problèmes auxquels est confronté le profil de risque de l’entreprise et, s’il est bien exécuté, il pourrait entraîner des améliorations à long terme de la position concurrentielle de Carrefour. Nous attendons des informations plus détaillées sur la mise en œuvre, les spécificités et les coûts du plan de transformation au cours des prochaines semaines. Ces éléments supplémentaires, ainsi que les résultats annuels audités du 28 février 2018, seront essentiels pour avoir une vision définitive du profil de risque du groupe et, en définitive, de l’orientation future de sa qualité de crédit.
Comment Carrefour se compare-t-il aux autres détaillants en alimentation avec une forte évaluation des risques commerciaux?
Reflétant l’achèvement généralisé du marché dans le secteur de la distribution alimentaire, Carrefour n’est que l’un des trois détaillants alimentaires de la région EMEA que nous évaluons actuellement comme ayant un fort profil de risque. Les deux autres sont le plus grand distributeur de produits alimentaires du Royaume-Uni, Tesco, et le concurrent français de Carrefour, Auchan, bien que nous évaluions ces deux acteurs dans la partie inférieure de notre forte catégorie de risque commercial. Ces deux noms, à l’instar de Carrefour, bénéficient de positions de marché domestique fortes et bien établies (dans le cas de Tesco) et de diversification internationale (dans le cas d’Auchan). Auchan, en concurrence avec Carrefour dans plusieurs pays, bénéficie d’une forte diversification internationale et, en particulier, d’une position forte et rentable sur le marché chinois en forte croissance, grâce à sa participation de 36,18% dans Sun Art, premier distributeur alimentaire en Chine. À l’heure actuelle, les opérations chinoises sont le principal contributeur à l’EBITDA du groupe, même de manière proportionnelle. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive, car le récent partenariat annoncé avec Alibaba devrait contribuer à renforcer les ventes et la part de marché du groupe. Cependant, comme pour Carrefour, nous prévoyons une forte pression sur les activités et la rentabilité du groupe en France, principalement en raison d’un réseau de magasins très orienté vers les hypermarchés, un format dont la fréquentation est actuellement en baisse, du fait du commerce électronique. concurrence et un changement dans le comportement du consommateur, conduit par plus de commodité. Avec des revenus d’environ 56 milliards de livres que Tesco va générer au cours de l’année fiscale se terminant le 28 février 2018, Tesco détient une part dominante de 28% de son marché domestique britannique, qui serait renforcée par la solide position de Booker porter le segment une fois que les deux sociétés fusionnent. Nous pensons que Tesco maintiendra à moyen terme une marge d’EBITDA ajustée S & P Global Ratings de 6,0% à 6,5%, comparable au niveau affiché en 2017. La stratégie de Tesco de simplifier sa gamme de produits – y compris en se concentrant sur sa propre marque propre les produits, la rationalisation de son portefeuille de magasins et l’amélioration de l’efficacité des heures d’ouverture et de la dotation en magasin devraient, à notre avis, soutenir la rentabilité. Dans le même temps, toutefois, la pression sur les prix exercée par les concurrents, la main-d’œuvre et l’inflation des coûts des intrants pourraient limiter toute amélioration de la rentabilité au cours des deux ou trois prochaines années.
Quels sont les facteurs de crédit qui, selon vous, pousseront les notations de Carrefour à aller de l’avant ?
Nous avons déclaré en septembre 2017 que le groupe maintiendrait une marge du BAIIA ajusté S & P de 5,0% à 5,5% et qu’une pression à la baisse s’exercerait si la marge du BAIIA ajusté était inférieure à 5% pendant une période prolongée. nous toujours croire que cela reste le plus grand risque baissier pour les notes et les perspectives stables. Nous pensons que les perspectives de crédit de Carrefour dépendront largement de l’évolution du paysage concurrentiel du marché français de la distribution alimentaire, des coûts et bénéfices du plan de transformation et, surtout, de l’impact de ces deux facteurs sur les marges opérationnelles et les flux de trésorerie de Carrefour. . En particulier, la capacité de Carrefour à maintenir sa forte position sur le marché français, qui constitue l’une de nos principales attentes sous-tendant la notation actuelle du groupe, sera déterminante pour notre évaluation. Selon nous, la capacité de Carrefour à préserver sa part de marché et ses marges dépendra de l’efficacité de la mise en œuvre de sa stratégie multi-format, de son adaptation à l’évolution des comportements des clients et de sa capacité à améliorer son efficacité opérationnelle.
Primary Credit Analysts:
Raam Ratnam, CFA, CPA, London +442071767462; raam.ratnam@spglobal.com
Mathieu Magaud, Paris +33 (0) 1 4420 6652; mathieu.magaud@spglobal.com
Leandro De Torres Zabala, Madrid (34) 91-389-6965; leandro.detorreszabala@spglobal.com
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