Alors que tous les commerces non alimentaires sont fermés en France pour cause de COVID-19, Amazon poursuit la distribution de produits qui ne sont pas de première nécessité. “Elle s’arroge la bénédiction du Gouvernement pour embaucher des intérimaires et tourne à plein régime, sans se préoccuper des risques sanitaires, de son impact sur le climat et des destructions d’emplois qu’elle génère” précise l’association Les Amis de la Terre.
Le COVID-19 comme argument de vente
La pandémie de coronavirus se propage rapidement, plusieurs Etats prennent des mesures drastiques : fermeture des commerces non alimentaires et confinement de la population. Les marchés financiers s’affolent[1], les commerces sont sous perfusion[2], mais les multinationales du web, à commencer par Amazon, ne semblent pas être impactées par la crise. Le géant de la vente en ligne vient même d’annoncer l’embauche de 100 000 intérimaires aux Etats-Unis[3] et de centaines en France[4] pour répondre à l’explosion des commandes. [Les libraires sont d’ailleurs également engagés à favoriser leur propre réouverture.]
Amazon serait autorisé par le Ministère de l’économie et des Finances
Amazon assure avoir reçu l’autorisation du Ministère de l’économie et des Finances pour poursuivre son activité[5]. Pourtant de nombreux employés font état du non-respect des règles de prévention sanitaires. Amazon a refusé de fermer deux entrepôts en Espagne, ainsi que ceux de Sevrey et Boves, alors que des cas de COVID-19 y sont confirmés. A Douai une centaine de salariés sont actuellement en grève car la direction les menace de représailles s’ils exercent leur droit de retrait[6].
Christy Hoffman, secrétaire général de l’UNI Global Union[7] explique : “Lorsque les employés d’un entrepôt sont testés positifs, un effort particulier doit être fait pour protéger les autres employés, encourager la distanciation sociale et nettoyer en profondeur l’installation. Mais, au lieu de cela, l’entreprise fait venir plus de main d’œuvre, travaillant à un rythme encore plus rapide, afin de répondre à l’augmentation de la demande des consommateurs“[8]. Pour Julien Vincent, délégué syndical CFDT d’Amazon France, la stratégie de l’entreprise et du Gouvernement est irresponsable: “Dans chaque entrepôt Amazon sur le territoire, il y a entre 500 et 2000 personnes. On est sur des grosses densités de population. Si on laisse ces endroits fonctionner presque normalement, ce n’est pas la peine de faire fermer la petite boutique du coin ! »[9]
Outre les foyers de contagion que représentent les méga-entrepôts, la livraison au client peut également être un vecteur de propagation du virus[10]. Si son maintien est compréhensible pour les produits alimentaires et de première nécessité, on peine à saisir les raisons qui justifient d’ouvrir grand les vannes à la livraison pour les autres types de produits, alors que la fermeture obligatoire est un nouveau coup dur pour les commerces de proximité, déjà lourdement impactés par l’expansion rapide d’Amazon[11]. Un rouleau compresseur qui s’appuie sur une fraude de plusieurs milliards d’euros à la TVA[12], et l’évitement de l’impôt sur les sociétés[13]. Ironiquement, Amazon contribue depuis des années à l’appauvrissement des finances publiques, qui nuit aujourd’hui à la capacité des hôpitaux de prendre en charge l’épidémie.
Malgré son irresponsabilité sanitaire, Amazon cherche à profiter de la crise pour accroître son influence. En Italie elle a annoncé la mise à disposition gratuite du service prime vidéo, dans la droite ligne de l’annonce de Jeff Bezos du don de 10 milliards à la lutte contre le changement climatique. Amazon essaie de se montrer indispensable, alors que son activité aggrave les bouleversements que nous avons à affronter. Par la surproduction qu’elle engendre et la livraison par avion, Amazon contribue lourdement au changement climatique et à la disparition de la biodiversité, deux phénomènes dont l’un des impacts dévastateurs est d’aggraver les risques d’épidémies.
Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre explique : ”Le coronavirus montreque le système économique et financier actuel est incapable de résoudre les crises. Si cela vaut pour la pandémie, cela vaut aussi pour le changement climatique. Au final, c’est bien de réglementation, de résilience locale et de services publics dont nous avons besoin. Par sa décision, le Gouvernement continue de soutenir l’activité d’Amazon, qui aggrave le changement climatique, grève les finances publiques, et détruit des emplois. On peut doncdouter de son intention de changer de modèle une fois la crise sanitaire derrière nous. Il est notamment à craindre qu’après en avoir autorisé 4 en 2019, le Gouvernement autorise 5 nouveaux projets d’entrepôts Amazon en 2020”.
[1] Le Monde, L’économie face au coronavirus : suite du krach boursier et fermetures d’usines en masse, 16 mars 2020.
[2] Communiqué de presse de la Confédération des Commerçants de France, 16 mars 2020 : annonce d’une enveloppe de 1500 euros par commerçant, déblocable sans condition.
[3] Le Monde, Coronavirus : Amazon annonce des recrutements massifs face au bond des commandes en ligne, 17 mars 2020.
[4] Capital, Voilà comment les entrepôts d’Amazon et Cdiscount vont tourner ces prochaines semaines, 17 mars 2020.
[5] Mediapart, Commerces, usines, transports : ces Français qui vont travailler «la boule au ventre», 17 mars 2020.
[6] CGT Amazon Logistique France – page Facebook.
[7] fédération syndicale internationale.
[8] Business Insider, Amazon aurait refusé de fermer deux entrepôts espagnols malgré trois cas confirmés de coronavirus, 16 mars 2020.
[9] Mediapart, Commerces, usines, transports : ces Français qui vont travailler «la boule au ventre», 17 mars 2020
[10] Cadences rapides, manque de protection des livreurs, potentialité du virus de survivre sur des surfaces non organiques comme le produit ou le colis.
[11] Le e-commerce détruit 2 emplois pour 1 créé. Mounir Majhoubi, Amazon : Vers l’infini et pôle emploi, novembre 2019 ; Ces chiffres concordent avec les données américaines qui font état de destructions nettes de 200 000 à 300 000 emplois.
[12] Capital, Bercy constate une fraude massive à la TVA sur Amazon et Cdiscount, 11 décembre 2019.
[13] The Guardian, Amazon Europe received €241m in tax credits in 2018, 9 septembre 2019; Capital, Comment Amazon embrouille le fisc, 12 janvier 2018