Le bateau Saga est une aventure qui n’a pas débuté hier, mais il y a bien plus de 30 ans. Il naviguait alors déjà pour le bien du dépassement de soi et pour se relever les défis de la vie. Le 14 octobre 2018, la famille Meunier qui le faisait naviguer avait besoin à son tour d’un coup de main… moralement, matériellement, financièrement et intellectuellement. Cette famille ne pouvait penser que c’est de la terre des vaches qu’un nouveau projet serait formé, en particulier avec un partenaire fondateur : Fairefrance. Nos lecteurs habituels vont comprendre ainsi que nous parlions navigation puisqu’il s’agit ici des producteurs de lait qu’il faut défendre…
Florentine Leloup explique le projet
« Parce qu’il sera équipé pour, Saga pourra accueillir à son bord – gratuitement – les personnes en situation de handicap qui pensent ne pas pouvoir aller en mer. Saga rejoindra également, évidemment, l’armada de voiliers déjà mobilisés comme de précieux ambassadeurs de la protection de l’Océan et de la vie qui s’y déploie.
Que pourrait-il apporter de plus, ce grand voilier en mal d’océan ? Lorsqu’il reviendra au port, qu’aura-t-il fait pour la terre, pour les océans, et pour les gens ?
Du fait de mon engagement au sein de la Maud Fontenoy Foundation et de l’association Shark Citizen, je connais bien l’actualité de la mer et la quantité d’initiatives existantes.
Le message de Saga ne doit pas interférer avec ce qui existe déjà, divisant au passage, les efforts structurés qui émergent partout dans le monde. Nous voulons qu’il démarque quelque chose de nouveau, quelque chose qui nous emmène tous vers une aventure faite de solutions, et de réponses à certains de ces enjeux qui nous touchent tous. »
Préambule : reconnaître le lien entre santé agricole et santé de l’océan…
« Ce sont des producteurs de lait, qui ont été les premiers à soutenir Saga. Je ne m’attendais pas à ce qu’une aventure ‘de mer’ soit soutenue par les acteurs de la terre et à dire vrai, ce lien entre agriculture et océan aujourd’hui évident, ne s’est pas imposée immédiatement à moi. Il m’a fallu mieux voir le lien entre les rapports pour la préservation de l’Océan que je lisais confortablement installée à mon bureau et l’importance de l’entretien sain des pâtures sous ma fenêtre. J’ai visualisé ce lien entre les violentes perturbations climatiques et les cernes qui se creusent. J’ai lu quelques lignes, aussi, entre la transition vers de meilleurs sols et la renaissance de lagons. Ces liens sont là, bien réels et, les artisans de ces liens sont des enfants de la terre.
Le constat en 2019 se précise sur les effets des activités humaines sur l’Océan. La pollution qui empoisonne la mer pour revenir dans nos assiettes, nos émissions de CO2 qui asphyxient l’Océan et se répercutent sur le climat… L’impact du réchauffement sur les courants, sur nos saisons, sur les coraux, sur la subsistance directe de 3.5 milliards de personnes dans le monde… Un humain sur deux vit directement de la mer, qui produit 50% de l’oxygène et alimente nos terres en eau douce. Rien que ça. Plus discrètement, des espèces qui s’éteignent ou se raréfie, emportant avec elles de précieux secrets, de ceux qui nous permettent pourtant d’élaborer des vaccins, des anti-poisons, des revêtements antibactériens, des engrais naturels. Oui, nous connaissons maintenant tout cela. Nous savons que les baleines chanteront de moins en moins, nous savons que les remparts naturels aux tempêtes s’effritent. Nous savons que des zones de cultures entières disparaissent sous le sel de mers déchainées. Nous savons que demain, des centaines de millions de réfugiés climatiques victimes de la montée des eaux demanderont où aller. Ce ne sont plus des discours catastrophistes : ce sont des faits largement démontrés et documentés par l’ensemble des sciences mises à notre disposition. Nous savons aussi tous les services rendus par les océans, toutes les solutions qu’ils abritent. Le lien entre la terre et l’Océan, vital par nature, est désormais au cœur d’événements visibles qui façonnent irrémédiablement le monde des Hommes.
C’est dans cette actualité que la Commission Océanographique Internationale de l’Unesco démarre une nouvelle décennie pour les océans tandis que les rapports du GIEC dévoilaient il y a peu à Monaco les conséquences des dérèglements climatiques sur l’Océan et sur nous par répercussion. Ce dernier rapport n’oublie pas de présenter l’agriculture comme un rempart contre le changement climatique, lorsqu’elle est menée de manière durable. Autour de ces mégapoles, de ces villes, de ces usines, qui rejettent, traitent, polluent, il y a ces champs, ces forêts, ces pâtures, ces domaines, et toutes ces zones naturelles aménagées par l’Homme, comme les marais, comme les berges, comme les zones de pâtures montagnardes, qui ont ce pouvoir pluri-centenaires de contenir, nettoyer, dépolluer, régénérer, et d’absorber. L’on ne sait que trop bien les conséquences sur les zones côtières, de productions intensives et polluantes. Et l’on connait assez les dramatiques résultats engendrés par la mise à mal des capacités hautement résilientes de la nature qui se manifestent par l’érosion des sols, la désoxygénation des mers, les réponses toxiques des algues vertes, l’envasement des estuaires… »
Les agriculteurs portent les seules solutions véritablement naturelles
« De ce lien entre la mer et la terre, les femmes et les hommes de terre sont pourtant les grands invisibles. Les artisans de la terre ne signent pas les rapports du GIEC sur les liens entre l’Océan et la cryosphère, mais le cycle de l’eau, l’importance des saisons, l’importance du climat, l’importance des sols et des racines, l’importance de nourrir le monde, l’impératif de l’adaptabilité climatique, ils connaissent. Les conséquences désastreuses de marchés hors de contrôle, ils les ont subies avant nous. Ce sont eux qui toutefois portent les seules solutions véritablement naturelles et pratiques pour limiter ces impacts tout en continuant à tous nous nourrir. Ils savent reconstruire un paysage abîmé, et ce sont bien eux qui ont le pouvoir d’entretenir les capacités régénératives et dépolluantes des sols. Sans omettre leur étonnante capacité à produire des certificats verts si précieux aux industries au bilan carbone négatif. Ce sont eux qui tiennent la partie la plus importante de la corde qui nous relie tous. Notre ligne de survie, si chère aux marins, est arrimée à leurs fermes, que l’on en ai conscience ou pas.
Ils ne veulent pas le dire, ils n’aiment pas en parler. Mais des voix s’élèvent très clairement en cette année 2019, et nous savons : trop nombreux sont ceux qui sont poussés à lâcher prise. Et c’est insupportable. Nous avons le choix entre continuer à les décourager, à les accuser d’appliquer ce que nous leur avons demandé il y a quelques années, à savoir nous nourrir plus et moins cher. Nous pouvons nous associer à eux en les aidant et œuvrant à leurs côtés.
Des zones agricoles bien gérées contribuent à protéger la nature et par extension nos océans de tous ces rejets. C’est un fait sur le papier. Mais pour passer de la certitude à la réalité, ce sont de paysans en forme dont nous avons besoin… qui s’en sortent financièrement, paramètre des plus simples à comprendre. Nous avons aujourd’hui la maturité nécessaire pour dessiner ce trait entre les exploitations agricoles et la préservation de l’océan. Nous devons anticiper sur ce qui sera une évidence demain, nous devons préserver ce lien entre celui qui vit correctement de son exploitation pour s’autoriser une transition et le poisson qui pourra se reproduire dans un estuaire préservé de ruissellements pollués. »
Saga, un Do-Tank par l’océan pour les agriculteurs
« Les agriculteurs ont un rôle essentiel à jouer en faveur de l’Océan. La mer peut elle aussi leur rendre de grands services. Le bien-être offert par la mer, ses bénéfices sur le moral et sur la santé, sur l’esprit et sur le corps, Saga en donnera l’accès à ceux qui, désespérés, pensent devoir tout arrêter.
En mer, on compte sur le fait qu’après la tempête le beau temps arrive, resublimant tout. En mer, on apprend à ne jamais oublier d’attacher la ligne de vie qui nous maintiendra à bord lorsque cela secouera. La mer a ceci de magique qu’elle nous enseigne le courage en nous nourrissant d’espoirs, d’émerveillements et de certitudes. Elle nous force à relever la tête, à ne pas baisser les bras. Elle est à la fois dure mais salvatrice. Elle est une coach hors pair, qui respecte la discrétion et la timidité des Hommes, elle respecte leurs tabous et leurs peurs, elle accepte qu’ils tentent leur chance, enseignant à qui veut s’y aventurer que rien n’est impossible. En nous rappelant d’où nous venons, d’où vient la vie, elle est la mère qui nous fait ressentir encore une fois à quel point la nôtre est importante et précieuse. Elle est l’échappatoire de ceux que la terre rend malade. Elle est aussi celle que l’on quitte pour retrouver le confort d’une maison et en savourer les instants. Elle remet de la poésie dans toutes les vies qui s’en approchent.
Ce que la mer apporte et déclenche en l’humain est la première chose que Saga rendra accessible à ces gens de terre qui ont à relever le formidable défi de survivre et de s’en sortir pour sauver ce qu’ils aiment. Elle l’a fait pour tant de gens, pourquoi pas pour les agriculteurs ? Cette magie, il suffit de la vivre pour ne plus en douter. En mer, il n’y a plus le producteur d’un côté et le PDG de grande distribution de l’autre. Il n’y a que des Hommes qui vont dans la même direction. »
Concept clé : une navigation, une ferme
« S’appuyant sur le concept de do-tank [expression faisant référence à celle de Think Tank] et sur les valeurs maritimes et humaines garantes de succès (solidarité, fermeté, rigueur et bienveillance), des sorties en mer réuniront autour d’un agriculteur aux prises avec une situation sans issues ou risquant de perdre sa ferme, des acteurs clés, concernés et engagés ayant tous pour objectif de résoudre son problème : intermédiaire, banques, assurances… Mais aussi économistes, ingénieurs, responsables industriels, penseurs, agriculteurs du même secteur ayant expérimenter des transitions réussies, associations de soutiens, etc. Seront réunis des personnes ressources détenant des idées, des exemples, mais aussi des solutions et des clés pour non pas fermer la ferme mais déverrouiller l’avenir.
Nous nous devons d’être ambitieux, pour nous même comme pour les autres. Nous devons aider les Hommes de terre à jouer pleinement la partition qui leur appartient dans ce combat pour restaurer la planète bleue.
Voici notre ambition. Que chaque paysan en difficulté embarqué à bord de Saga en reparte avec une solution, de l’espoir, un chemin, et surtout un plan d’action bénéfique au paysan et à l’océan.
Pour cela, nous avons commencé à nous rapprocher d’associations et d’acteurs du monde agricole, économique, associatif, mais aussi de hubs d’innovations, de solutions et de réflexions autour des enjeux qui lient agriculture, économie, environnement, océan, et solutions de soutiens afin de les inviter à rejoindre le cercle des organisations et personnes ressources qui prendront part aux navigations-solution.
L’aventure peut commencer dès aujourd’hui. Finir le navire n’est qu’une question de quelques mois.
L’idée qu’il porte mettra à profit ces quelques mois pour grandir, alimenter sa réflexion et enrichir ses réseaux, chercher les financements supplémentaires et développer ses forces de soutiens et ses repères institutionnels majeurs. »
Pour ceux qui souhaitent soutenir ce projet, un contact : Florentine Leloup – Association Le Saga