Selon les informations que nous avons pu rassembler, dans l’affaire du Groupe Casino, Xavier Kemlin vient d’écrire à Emmanuel Macron – président de la République française – et Bruno Le Maire – ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.
Le contenu de la lettre de Xavier Kemlin à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire
Cette lettre de Xavier Kemlin, l’un des arrière-petits-fils du fondateur du groupe Casino, ne s’adresse pas qu’à Emmanuel Macron et Bruno Le Maire. Trois autres personnes sont également mises en copie :
- Madame Marie-Anne Barbat-Layani, Présidente de l’Autorité des marchés financiers
- Monsieur Jean-François Bohnert, Procureur National Financier
- Madame Nathalie Aufauvre, Secrétaire Générale de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution
La lettre rappelle les faits dans le dossier du Groupe Casino
Voici le contenu de la lettre dont nous avons pu avoir copie auprès d’une source proche du dossier et que nous reproduisons à l’identique :
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,
Nous vous écrivons au sujet du sort que connaît actuellement la société Casino Guichard Perrachon (la « Société » ou le « Groupe ») ainsi que l’ensemble de ses sociétés mères Rallye, Foncière Euris, Finatis et Euris (ensemble, les « Sociétés Mères »), contrôlées par Monsieur Jean-Charles Naouri. Le Groupe et ses Sociétés Mères font actuellement face à des difficultés
financières d’une gravité telle que le démantèlement du Groupe est actuellement à l’étude, exposant les milliers de salariés de son siège social de Saint-Etienne à une mise au chômage prochaine de nature à entraîner une forte crise sociale dans la région.Ces difficultés ont pour origine la mise au point par Monsieur Jean-Charles Naouri, président-directeur
général et actionnaire majoritaire indirect de la Société, d’un montage financier lui ayant permis, par le truchement des Sociétés Mères qu’il contrôle, de prendre le contrôle du Groupe en 1998. Ce montage a consisté à endetter très fortement les Sociétés Mères contrôlées par Monsieur Naouri de telle sorte qu’il soit en mesure d’acquérir le contrôle de la Société moyennant un apport personnel très limité, en prenant cependant le risque que la charge de la dette des Sociétés Mères devienne insoutenable au cas où les performances du Groupe, qui en est l’unique actif tangible, viendraient à se détériorer.Dès décembre 2015, le fonds d’investissement américain Muddy Waters dénonce la matérialisation de ce risque dans un rapport public faisant principalement état des points suivants :
- L’activité de la Société se détériore, détérioration que la Société cherche à dissimuler au moyen de diverses techniques d’ingénierie financière ;
- Les dettes des Sociétés Mères sont extrêmement élevées rapportées aux performances du Groupe ; et
- En conséquence, Monsieur Naouri est incité à gérer le Groupe de manière très court-termiste
via des cessions d’actifs destructrices de valeur, de manière à permettre le remboursement des dettes des Sociétés Mères qu’il contrôle, plutôt que maximiser la valeur de la Société, dans l’intérêt de ses actionnaires et de l’ensemble des autres parties prenantes.Le 23 mai 2019, le Tribunal de commerce de Paris prononce le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société Rallye au seul et unique motif que des « fonds spéculatifs » auraient manipulé le cours de la Société (dont les actions ont été mises en garantie de la dette de Rallye) à la baisse, sans aucune référence aux sérieux problèmes de gestion du Groupe par Monsieur Naouri, au surendettement des Sociétés Mères ou aux difficultés de la Société (présentée comme « une société solide »). Le jugement d’adoption du plan du 28 février 2020 reprend exactement les mêmes explications.
En parallèle, le 5 juillet 2019, Monsieur Xavier Kemlin, arrière-petit-fils de l’un des fondateurs du Groupe, Monsieur Geoffroy Guichard, porte plainte contre X pour manipulation de cours, diffusion d’informations fausses ou trompeuses et abus de biens sociaux en lien avec le montage financier mis en œuvre par Monsieur Naouri. Faute de retour du parquet, Monsieur Kemlin lui envoie une première relance le 26 septembre 2020, puis une seconde le 4 août 2021.
Il n’a depuis reçu aucune nouvelle de sa plainte. Le 21 février 2023, Monsieur Kemlin a par ailleurs déposé une nouvelle plainte pour escroquerie au jugement par lequel le Tribunal de commerce de Paris ouvrait la procédure de sauvegarde des Sociétés Mères.
Monsieur Pierre-Henri Leroy, fondateur de la société Proxinvest, dépose également plainte le 17 février de la même année pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, manipulation de cours et abus de biens sociaux.
Enfin, de nombreux membres de la famille Guichard (plus d’une vingtaine à l’heure où ces lignes sont écrites) ont décidé il y a quelques jours de déposer plainte pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses, manipulation de cours et escroquerie au jugement. Certaines plaintes ont d’ores et déjà été déposées, tandis que d’autres sont en voie de l’être.
Jusqu’à aujourd’hui, aucun retour n’a été donné ni par l’Autorité des marchés financiers, ni par le Parquet national financier sur les faits visés par ces différentes plaintes, en dépit de leur commission il y a déjà plusieurs années.
Pourtant, la procédure de sauvegarde de Rallye a eu des conséquences extrêmement graves en ce qu’elle a permis à Monsieur Naouri de maintenir le contrôle et la direction du Groupe, donc de poursuivre les cessions d’actifs et distributions de dividendes destructrices de valeur lui permettant de rembourser les dettes des Sociétés Mères (c’est-à-dire, de fait, ses dettes personnelles). Aucune démarche n’a été engagée par aucune autorité publique afin de l’en empêcher, avec pour résultat une chute de 98% du cours de la Société en quatre ans, la dilapidation des actifs du groupe et bientôt plusieurs milliers de salariés au chômage. Si la procédure de sauvegarde n’avait pas été ouverte, l’ouverture subséquente d’une procédure de redressement voire de liquidation dessaisissant Monsieur Naouri de la gestion du Groupe, et permettant de dissocier son sort de celui des Sociétés Mères qui ont permis à Monsieur Naouri d’en prendre le contrôle.
La conséquence de cette situation est que Monsieur Naouri est aujourd’hui en mesure d’organiser le démantèlement du Groupe en toute impunité, par des accords négociés dans l’ombre avec Daniel Křetínský, Marc Ladreit de Lacharrière et le fonds Attestor dans le cadre de la procédure de conciliation de la Société.
Compte tenu des conséquences politiques, économiques et financières dramatiques aussi bien pour le bassin de l’emploi de Saint-Etienne que l’actionnariat de Casino (aujourd’hui très largement composé d’investisseurs particuliers), nous vous prions de bien vouloir faire le nécessaire pour que la dilapidation des actifs du Groupe s’interrompe enfin et que les opérations de restructuration puissent être effectuées de manière sereine, sur la base de chiffres audités par un expert véritablement indépendant, plutôt que dans le cadre de la conciliation en cours.
Nous vous informons que l’ouverture d’une commission d’enquête sera prochainement demandée pour faire la lumière sur l’inaction des pouvoirs publics ces dernières années dans le cadre de ce dossier.
Vous en remerciant vivement par avance, nous vous prions, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, de bien vouloir agréer l’expression de nos salutations respectueuses.
Une commission d’enquête
Au-delà du miracle attendu, une commission d’enquête est à l’étude actuellement portée par le député Renaissance stéphanois Quentin Bataillon et Sylvie Bonnet, députée les Républicains de la 4e circonscription de la Loire.
Cession du Groupe Casino | "Des milliers d'emplois directs, et des dizaines de milliers indirects sont menacés"@SylvieBonnet_42 (LR) demande au Gvt: "Pouvez-vous nous dire combien d'emplois seront sauvés au siège de St-Etienne? Pouvez-vous rassurer les salariés?"#DirectAN #QAG pic.twitter.com/cy3AL65qgF
— Assemblée nationale (@AssembleeNat) December 19, 2023
Le 20/01
A ce jour, le Président vous a-t-il répondu ? Comme de coutume ?