En 1976, Carrefour était le plus grand des commerçants et voulait vendre des « produits libres ». Libres des grands producteurs de marques : les premiers des fautifs. Toujours prêts à segmenter inlassablement les marchés, pour en tirer le maximum de profitabilité, les grands de la production réduisent inéluctablement – depuis toujours – les volumes des ventes pour chaque produit proposé en rayon. Petit à petit, les marges doivent grossir en conséquence pour chaque référence afin de contrecarrer l’érosion des quantités.
Carrefour, par l’intermédiaire d’un chef comptable, s’en rend compte dès 1975 et décide alors d’innover. La mise sur le marché est faite un premier avril – une vraie blague de potache – avec un lancement sous forme d’avertissement aux producteurs : « Carrefour devient acheteur pour ses clients et non vendeur pour ses fournisseurs ».
Une marque de dialogue était née, “free” comme l’air, “free” comme Carrefour, “libre” de proposer une qualité toujours plus grande, “libre” de porter la parole du commerçant proposant en toute confiance de révolutionner la consommation. Les clients avaient dit “Oui” en retour.
Toutefois, la mauvaise loi des séries se répète inlassablement. Bernardo Trujillo les avait prévenu : « Vous m’oublierez. » Lui qui est enterré depuis 1971, à Bogota, leur aurait tiré les oreilles : « Avez-vous 20 ans d’expérience ou une année d’erreur répétée vingt fois ? » A force de collaborer, comme elle le fait aujourd’hui avec ses fournisseurs, l’enseigne perd sa raison d’être. Le pirate devenus armateurs nanti, risque fort d’être dépourvu le jour venu où les clients, se mutinant, iront voté dans l’urne tiroir caisse d’autres enseignes… E. Leclerc s’en forte déjà les mains !