Le 7 août 2019, un magasin sous enseigne E.Leclerc implanté sur la commune d’Outreau publiait une offre d’emploi pour recruter un “TATOUEUR H/F”. Des professionnels du tatouage se sont alors émus que l’enseigne puisse diffuser une telle annonce sur ses propres réseaux en précisant qu’il n’était pas nécessaire d’être diplômé.
L’annonce pour recruter un tatoueur qui choque des professionnels
Comme le précise le communiqué d’une association de tatoueurs professionnels : « C’est bien sur le site d’E.Leclerc, principal concurrent de Carrefour et employeur de plus de 100 000* personnes, qu’on trouve désormais des offres de recrutement pour les tatoueurs. L’offre est publiée dans la cadre du “Mouvement E.Leclerc”, décrit par la société comme “une fédération d’entreprises dynamiques, en croissance et qui se démarquent autant par leur mode de fonctionnement que par leur capacité à innover et à bouleverser les idées reçues“.
L’offre d’emploi n’impose qu’un critère : le “Niveau d’expérience” doit être “Confirmé“. Pour le reste, six informations sont délivrées sur la page :
- Type de contrat : CDI
- Département : PAS-DE-CALAIS (62)
- Ville : OUTREAU
- Famille Métiers : Santé / Beauté
- Métier : Conseiller beauté
- Niveau d’études : Non diplômé »
C’est sur ce dernier critère que des professionnels du secteur se questionnent. L’association précise : « L’apparition d’une annonce de recrutement de tatoueurs chez E.Leclerc montre, à qui en doutait encore, que le tatouage n’a plus rien de marginal. Rappelons qu’en 2017, plus d’un Français sur dix arboraient au moins un tatouage. Rien d’étonnant, dès lors, qu’un des fleurons de l’économie française s’en fasse le relais. Mais au-delà de ce signe, l’annonce nous renvoie à la croissance galopante et, à ce jour, incontrôlée, du nombre de tatoueurs peu voire pas qualifiés sur le territoire. Au début des années 1980, une quinzaine d’enseignes spécialisées seulement étaient dédiées au tatouage dans la seule ville de Paris. En 2017, plus de 300 salons étaient répertoriés dans la capitale. Avec toujours une condition unique pour officier en toute légalité : le passage d’un stage d’hygiène de 21 heures. C’est tout.
Ce “Non diplômé” accolé au “Niveau d’études” dévoile à nouveau le cruel paradoxe auquel fait face le secteur professionnel du tatouage : alors que sa démocratisation ne cesse de croître, il campe dans une marginalité particulièrement pernicieuse. Un exemple parmi d’autres alors même que pour devenir coiffeur ou coiffeuse un CAP ou un bac soit nécessaire. »
Un diplôme d’État demandé par des professionnels
Pour Tatouage & Partage, le collectif qui s’interroge sur cette question : « Il est plus que jamais temps de voir naître un diplôme d’État, c’est-à-dire reconnu par l’État, aux antipodes des diplômes délivrés actuellement aux plus offrants à l’issue des écoles privées. Pour notre association, c’est la seule solution pérenne pour juguler l’afflux massif de tatoueurs sur le marché, et pour offrir aux vrais professionnels l’espoir d’un véritable statut. À ce jour, ce dernier manque encore à l’appel. Sur [le site] Tatouage & Partage, les professionnels profitent gratuitement et toute l’année d’un espace de recrutement où ils peuvent consulter les offres dans leur région ou déposer leur propre annonce. »
C’est que l’activité débuté de manière autodidacte auprès d’un tatoueur expérimenté est possible en France sous condition d’avoir suivi une formation reconnue sur les procédures d’hygiène et de salubrité de 21 heures au moins et d’une déclaration d’activité auprès de la préfecture d’établissement lors de son lancement.
Une question reste en suspens : celle du statut du tatoueur
Tatouage & Partage milite pour l’obtention d’un statut d’artisan pour tous les tatoueurs, et d’un statut d’artisan d’art pour la minorité de tatoueurs proposant une production unique de l’esprit – autrement dit ceux pouvant répondre à la définition d’ « artiste ». Avec le statut d’artisan simple, cette association pense aussi aux tatoueurs, majoritaires, qui vont effectuer une simple prestation de service en répondant à la demande d’un client. Ce statut d’artisan n’empêche pas d’être inscrit à la Maison des Artistes pour des œuvres originales et uniques. Une TVA différente s’appliquerait ainsi pour le statut d’artisan d’art et pour le statut d’artisan simple, comme le souhaite une grande partie de la profession.
* Les 541 adhérents du groupement E. Leclerc gèrent 681 magasins en France (dont 547 hypermarchés). Ils emploient 127 000 salariés. [source La Croix – 2018]