La presse économique revient depuis quelques jours sur la décision de reporter l’introduction en bourse de 25% de Carrefour Property. Après avoir rencontré les principaux d’actionnaires du Groupe Carrefour dans le monde entier, ce fonds activiste – détenteur de 1,5% du capital de Carrefour – a écrit au conseil de Carrefour le 11 avril pour exprimer ses préoccupations. Cette action est soutenue par d’autres actionnaires minoritaires. C’est ce courrier que nous dévoilons en intégralité :
Lettre de Eric Knight, de Knight Vinke Asset Management, à Carrefour
A l’attention de :
Monsieur Amaury de Seze,
Président du Conseil d’Administration
Madame et Messieurs les membres du Conseil d’Administration de Carrefour
Le 11 avril 2011
Objet : Scission de 25% de Carrefour Property (CP)
Madame, Messieurs, Nous souhaitons vous faire part des préoccupations que plusieurs des principaux actionnaires de Carrefour, dont Knight Vinke, ont sur le projet de scission de 25% de Carrefour Property, propriétaire de biens immobiliers du groupe Carrefour en France, en Espagne et en Italie.
À ce jour, Knight Vinke détient environ 10 millions d’actions de Carrefour (représentant 1,5% du capital social). Notre investissement a été réalisé sans endettement ni recours à des instruments dérivés et nous le voyons comme une participation à long terme.
Au cours des deux dernières semaines, nous avons été à Paris, Londres, Francfort, Zurich, Genève, Amsterdam, New York et Boston. Nous y avons rencontré 45 des principaux actionnaires institutionnels et privés de Carrefour (représentant plus de 20% du capital social) pour évoquer la situation de Carrefour.
Carrefour présente pour des investisseurs de nombreux atouts mais sous performe de manière régulière sur le marché clé des hypermarchés européens. En septembre 2010, Carrefour a initié l’un des programmes de transformation les plus ambitieux jamais entrepris dans le secteur de la distribution, tant au regard de son ampleur (500 hypermarchés) que de la rapidité avec laquelle il doit être réalisé (2 ans).
Comme nous le signalait un important investisseur institutionnel la semaine dernière, il s’agit pour Carrefour du “plan de la dernière chance“… qui ne peut se permettre en aucun cas d’échouer.
Lors de nos réunions avec les investisseurs, la plupart d’entre eux nous a indiqué spontanément son intention de rejeter la résolution relative à la scission de 25% de Carrefour Property. Les principaux points évoqués étaient les suivants :
- tout d’abord, en cas d’échec du plan de transformation, la scission rendrait plus difficile une éventuelle solution alternative ou un ajustement de ce plan. Il n’y a aucune certitude que ce plan réussisse alors qu’il n’a été testé à ce jour que dans six magasins et sur une période de temps très courte ;
- par ailleurs, la valeur des actifs immobiliers de Carrefour est intrinsèquement liée à l’état de santé de son cœur de métier, du moins pour le moment. La supposée sous-évaluation des actifs immobiliers de Carrefour provient, au moins en partie, du fait que la partie non-alimentaire de l’activité des hypermarchés sous-performe et ne permet pas de payer des loyers au prix de marché. Cela ne changera que lorsque cette sous-performance aura été corrigée. Inversement, si cela n’est pas le cas, le marché continuera à ignorer la valeur des actifs immobiliers de Carrefour — même si CP est cotée séparément ;
- enfin, la scission entrainera une perte très significative de valeur en raison d’une fiscalité pénalisante pour Carrefour, pour Carrefour Property et pour les investisseurs personnes physiques assujettis à une fiscalité française (dont beaucoup sont vos clients).
À la lumière de ce qui précède, nous recommanderions que la cotation de Carrefour Property soit reconsidérée, ou à tout le moins reportée, permettant ainsi à la direction de Carrefour de se concentrer sur l’amélioration de la performance des hypermarchés en Europe, là où se trouve l’enjeu principal du Groupe. La proposition de scission de Carrefour Property a abouti à des divisions au sein du conseil d’administration et à l’effondrement du cours de l’action. Nous ne serions pas surpris qu’elle crée également des tensions au sein de l’équipe de direction de Carrefour. Cela n’est dans l’intérêt d’aucun actionnaire, ni dans celui de la Société. Nous vous prions d’agréer, Madame, Messieurs, l’expression de nos salutations distinguées.
Eric Knight
Directeur Général
On se souviendra des liens qu’avait Eric Knight avec Édouard Stern. Ce dernier eu le temps d’ailleurs de négocier pour L’Oréal les accords avec Nestlé dans Gesparal.
Pour la première fois, les documents de travail de la direction générale de Carrefour présentés dans Carrefour Un combat pour la liberté
[avis de lecteurs] [l’auteur ] [commander le livre]
Intéressant de retrouver la correspondance de Knight Vinke dont je rappelle les derniers combats dans le blog…
Si l’on comprend votre raisonnement, faire parler de soi quand la mousse monte est un moyen de prendre de la valeur…
est-ce bien votre raisonnement ?