Nous avons évoqué tôt ce matin la mise en ligne du compte Twitter de Michel-Edouard Leclerc. Nous avons également fait une allusion, pour terminer notre article, sur les intérêts croisés qu’il pouvait y avoir entre Benoît Hamon, ministre de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation, et Michel-Edouard Leclerc sur les questions législatives. La presse en ce moment se focalise sur la nouvelle législation sur la consommation (lunettes, médicaments…), c’est évidemment de l’autre partie dont il s’agit ici de développer les conséquences.
Lorsque la solidarité débute par soi-même !
Dans le cadre du projet de loi sur l’Economie sociale et solidaire (ESS) – moins connu sous le nom de loi « Portant reconnaissance et développement de l’économie sociale et solidaire » -, Benoît Hamon avait transmis le 5 septembre 2012 un communiqué qui reprenait les termes suivants : « Dans le cadre des objectifs prioritaires du gouvernement pour l’emploi, Benoit Hamon a présenté aujourd’hui en Conseil des ministres une communication relative au projet de loi pour l’Economie Sociale et Solidaire. Constitué sous la forme d’associations, de coopératives, de fondations, de mutuelles, ou d’entreprises adoptant des pratiques socialement exemplaires et innovantes, le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) concilie la réalisation d’une activité économique, l’absence de lucrativité ou la recherche d’une lucrativité limitée avec une finalité sociale ».
Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de suivre cet épisode législatif, l’idée était notamment de faire en sorte que les salariés puissent être alerté lorsque les entreprises étaient en situation de reprise. La presse avait d’ailleurs repris des titres chocs : “En voulant régenter l’économie sociale et solidaire, la loi de Benoît Hamon la tue” va jusqu’à écrire L’Express. Nous ne sommes pas loin toutefois de le penser également. Non, sans doute de la volonté du ministre, mais de la part des nombreux allers-retours interministériels qui cherchent à défendre les intérêts des uns et des autres et en viennent à faire dire au texte l’inverse de son esprit initial.
Explication de texte
On s’en souvient, le Sénat avait adopté, le jeudi 7 novembre 2013, la mesure créant un droit d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Portée par Benoît Hamon, cette disposition qui portait à deux mois minimum le délai d’alerte à destination des salariés avait fait couler beaucoup d’encre…
Pas encore assez sans doute, puisque nous revenons à la charge. Un article a été passé sous silence (il faut dire que l’avalanche législative que connait notre pays n’a pas faibli avec le nouveau quinquennat) pourtant très important pour le secteur de la distribution de masse.
Section 3
Les sociétés coopératives de commerçants détaillants
Article 27
Après l’article L. 124-4 du même code, il est inséré un article L. 124-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 124-4-1 – Les statuts d’une société coopérative de commerçants peuvent prévoir que l’associé qui souhaite céder son fonds de commerce, ou plus de 50 % des parts sociales ou actions composant le capital de la société exploitant ce fonds, ou encore le bien immobilier dans lequel est exploité ce fonds, doit en informer la coopérative. La coopérative dispose, à compter de la réception de cette information, d’un délai de trois mois pour présenter une offre d’acquisition.
« La cession intervenue en méconnaissance des dispositions du précédent alinéa peut être annulée par le tribunal compétent.
« Si la cession n’est pas intervenue dans un délai de deux ans, le cédant en informe la coopérative qui peut présenter une nouvelle offre dans les conditions prévues à l’alinéa premier.
« La clause visée au premier alinéa est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession, à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant. »
Pour le dire plus clairement, selon nous, il s’agit bien ici d’inverser l’esprit de la loi initiale – qui souhaitait favoriser le maintien des entreprises au profit des salariés – afin de constituer des coopératives détentrices elles-même de magasins, sous la forme possible de succursales ! Une sorte d’intégration verticale facilité par la loi en discussion et contraire à l’esprit initial du projet de loi nous semble-t-il. Par ailleurs, il nous semble contraire à l’esprit Edouard Leclerc cette concentration des pouvoirs au sein des coopératives. Les Ex de Jean-Pierre Le Roch s’en souviennent bien, devenus depuis Intermarché d’ailleurs. Cette thématique de la puissance des organes centraux explique d’ailleurs pour une très grande part la scission entre les deux hommes en 1969, en réponse à l’arrivée de l’hypermarché Carrefour qui rebattait les cartes de la concurrence.
Les députés examineront le texte à partir de mars 2014, puisque, comme l’évoquait Edouard Leclerc : « C’est l’intérêt qui guide le monde ».
1987.01.30
Leclerc serait-il en train de dépasser carrefour sur le plan social ?