Le 28 novembre 2016, la Commission européenne a renvoyé à l’Autorité de la concurrence (voir encadré au bas du communiqué sur la pratique des renvois) l’examen du rachat de la société Colruyt France SAS (ci-après « Colruyt France ») par la société Metro AG (ci-après « Metro »). Les parties, qui opèrent en France principalement dans le secteur de la vente en gros de produits alimentaires, ont soumis leur projet à l’Autorité le 7 décembre 2016.
L’opération n’entraîne pas d’atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution en gros de produits alimentaires
À la suite d’une large consultation des opérateurs du secteur, l’Autorité de la concurrence a, dans ce dossier, fait évoluer sa jurisprudence habituelle : elle a, pour la première fois, considéré que l’analyse concurrentielle devait être menée sur le marché général du commerce de gros de produits alimentaires à destination de la restauration hors domicile (collectivités, cafés, hôtels, restaurants…), mais en y intégrant les acteurs de la distribution en libre-service, dite « cash & carry »1. L’instruction a en effet montré que la majorité des clients de la restauration recourent indifféremment aux grossistes « traditionnels » et à la distribution en libre-service pour satisfaire les mêmes besoins2. L’opération concernant deux acteurs généralistes, l’Autorité a par ailleurs considéré qu’il convenait également d’analyser les effets de l’opération sur le seul segment de la distribution généraliste, sans opérer de distinction par produits.
L’Autorité a constaté, au terme de cette analyse, que la part de marché de la nouvelle entité demeurera modérée, au niveau national comme local. Le groupe Metro continuera de faire face, sur le marché français et au niveau local, à de nombreux concurrents généralistes ou spécialisés (Pomona, Promocash, Transgourmet, Brake, France frais etc.).
L’Autorité a, par ailleurs, procédé à un examen minutieux de la puissance d’achat des parties sur les marchés amont de l’approvisionnement en produits alimentaires auprès des fournisseurs
L’Autorité a réalisé une large consultation des fournisseurs communs des parties afin de déterminer si l’opération était susceptible de créer ou renforcer une puissance d’achat plaçant les fournisseurs en situation de dépendance économique. L’instruction a permis d’écarter un tel effet structurel.
Pour la première fois dans le secteur de la distribution, l’Autorité a pris en compte, dans son analyse de la puissance d’achat des parties, l’impact des rapprochements à l’achat déjà conclus entre Metro et Auchan en 2010 et 2015, d’une part, et entre Auchan et Système U en 2014, d’autre part. L’Autorité a ainsi tenu compte des parts de marché de chaque enseigne et de leurs positions après ces rapprochements à l’achat et a pu, au terme de cette analyse, écarter tout risque concurrentiel pour les fournisseurs.
1 – Les « cash & carry » sont des magasins de vente en gros mais pour lesquels les produits sont disponibles « sur étagères » et peuvent être emportés directement par l’acheteur.
2 – L’Autorité n’a pas tranché la question de l’existence d’un segment autonome de la distribution cash & carry, Colruyt n’exerçant pas de telles activités.
3 – Voir l’avis de l’Autorité de la concurrence 15-A-06 du 31 mars 2015 relatif au rapprochement des centrales d’achat et de référencement dans le secteur de la grande distribution et le communiqué de presse du 1er avril 2015.
Les renvois de la Commission à l’Autorité de la concurrenceL’Autorité de la concurrence est régulièrement destinataire de renvois d’opération par la Commission, ce qui démontre la souplesse du système européen de contrôle des concentrations et la reconnaissance de la qualité du travail de l’Autorité. Cette procédure de renvoi, prévue par le règlement européen n° 139/2004, permet à la Commission, lorsque la concentration « risque d’affecter de manière significative la concurrence sur un marché à l’intérieur d’un État membre qui présente toutes les caractéristiques d’un marché distinct », de renvoyer l’examen de l’opération à l’Autorité nationale qui est la mieux placée pour apprécier ses effets sur la concurrence. |
> La décision 17-DCC-11 du 30 janvier 2017 sera prochainement publiée sur le site Internet de l’Autorité