Nous reprenons intégralement le communiqué de l’organisation Les Amis de la Terre. “Amazon a annoncé hier aux syndicats qu’elle fermait ses entrepôts pendant au moins 4 jours, le temps de conduire une réelle évaluation des risques de contamination au coronavirus. Si elle a assuré que les salaires seraient intégralement payés, la direction a annoncé qu’elle allait demander à l’Etat de lui rembourser ce chômage. L’action d’Amazon a pourtant atteint son pic historique pendant l’épidémie et la multinationale a réalisé 14,6 milliards de dollars de bénéfices en 2019. Les Amis de la Terre craignent que l’Etat n’accepte, alors qu’Amazon pratique l’évasion à grande échelle et que sa Marketplace est responsable d’une fraude à la TVA de plus d’un milliard d’euros.
Amazon a annoncé aujourd’hui la fermeture complète de ses entrepôts pendant une durée minimale de 4 jours. Cette décision fait suite au jugement du tribunal de Nanterre lui ordonnant de limiter la livraison aux 10% de produits essentiels stockés dans ses entrepôts, jusqu’à ce qu’une réelle évaluation des risques épidémiologiques soit conduite en collaboration étroite avec les représentants du personnel.
Le tribunal judiciaire de Nanterre a reconnu que les mesures suffisantes n’avaient pas été mises en place pour protéger les salariés, et que la direction n’avait pas correctement consulté les syndicats.
Tandis qu’un salarié d’Amazon est décédé aux Etats-Unis[1] et qu’un salarié français est toujours en réanimation, les Amis de la Terre reconnaissent que la décision d’Amazon permettra de freiner la contagion dans les 6 entrepôts, tous touchés par des cas de COVID 19. Ils regrettent néanmoins que d’après l’entreprise elle-même, cette décision ait surtout été motivée par l’astreinte record d’un millions d’euros par jour décidée par les juges[2].
Les Amis de la Terre saluent également l’annonce de la direction du paiement intégral des salaires, y compris des intérimaires, pendant la fermeture[3].
La preuve d’une perte de chiffre d’affaires
Néanmoins, cette décision pourrait ne pas être motivée uniquement par des enjeux sanitaires. Amazon a annoncé aux syndicats qu’elle demandait le remboursement des chômages versés à ses salariés par l’Etat. Elle pourrait ainsi tenter d’éviter les conséquences économiques de la réduction forcée de son activité, ce mécanisme de prise en charge publique nécessitant la preuve d’une perte de chiffre d’affaires de 70%.
Le Gouvernement ayant toujours fait preuve d’une position ambiguë envers la multinationale, avant[4] et désormais pendant le covid19[5], les Amis de la Terre craignent qu’il n’accède à cette demande, et aggrave ainsi la dette fiscale qu’Amazon a envers la France.
Amazon affirme avoir payé 150 millions d’euros d’impôts en France en 2018[6]. Ce montant inclus néanmoins les cotisations patronales, les impôts locaux et enfin l’impôt sur les sociétés. Cet agrégat ne correspond même pas à 2,27% de son chiffre d’affaires[7]. Et c’est moins que ce qu’Amazon a touché en crédit d’impôt de la part du Luxembourg la même année : 241 millions d’euros[8] ! Enfin, d’après Bercy, 98% des vendeurs de la place de marché d’Amazon frauderaient la TVA[9]. Cela pourrait représenter un déficit pour l’Etat de plus 1 milliard d’euros. Amazon est responsable de cette fraude à la TVA. Elle accroît volontairement l’activité de place de marché, plus rentable, et en bénéficie directement en touchant des commissions sur les vendeurs. Cette fraude lui permet de rivaliser avec des géants comme Alibaba et de rester toujours le prix le plus bas du marché.
Amazon est une des entreprises dans laquelle les marchés financiers investissent le plus, plus de 1.000 milliards d’euros d’actifs. Elle a réalisé 14,6 milliards de bénéfices en 2019. Son cours en bourse a atteint un record historique : 2.307 dollars[10], du fait de l’explosion de son activité pendant le coronavirus.
Alma Dufour, chargée de campagne aux Amis de la Terre conclut “Il serait proprement scandaleux qu’Amazon, qui évite et fraude l’impôt, réussisse à bénéficier de l’argent public. C’est à Amazon d’assumer le chômage de ses salariés et des intérimaires, elle en a parfaitement les moyens ! La fortune de son PDG Jeff Bezos a progressé de 24 milliards pendant l’épidémie ! Au-delà d’Amazon, la décision du Gouvernement sera symbolique d’une réelle volonté de changer les règles du jeu économique, ou de son intention de perpétuer l’appauvrissement du secteur public au profit des multinationales”.“
[1] Geek Wire, First Amazon warehouse worker dies of COVID-19 as fulfillment center outbreaks mount, 14 avril 2020.
[2] Tweet d’Amazon News à 7h48, le jeudi 16 avril 2020.
[3] Compte rendu de la CGT du CSEC du 16 avril 2020 entre la direction d’Amazon France Logistique et les syndicats.
[4] Bercy a adressé à plusieurs reprises des reproches à Amazon concernant son intention de répercuter la taxe gafa sur les petits vendeurs, ou son refus de signer la charte de bonne conduite envers les PME. Brune Poirson s’en ait pris à eux concernant la destruction de 3 millions d’invendus neufs, révélée par les Amis de la Terre.
[5] La direccte a ainsi mis plus de 18 jours avant de délivrer une mise en demeure. Bruno Le Maire a annoncé envisager de rouvrir les librairies plutôt que de fermer Amazon. Malgré la concurrence déloyale avec les commerces de proximité fermés et exsangue, le Gouvernement n’est pas revenu sur le maintien de l’activité d’Amazon, alors que les salariés alertés sur les contaminations dans les entrepôts.
[6] Le chiffre de 250 millions diffusé largement dans les médias, correspondait selon l’aveu de l’entreprise elle-même à l’addition de la TVA, et des charges salariales collectées par l’entreprise !
[7] Amazon ne déclare pas l’intégralité de son chiffre d’affaires en France. Le chiffre d’affaires réel d’Amazon serait de 6,6 milliards d’euros en 2018 d’après Kantar World Pannel.
[8] The Guardian, Amazon Europe received €241m in tax credits in 2018, 9 septembre 2019.
[9] Capital, Bercy constate une fraude massive à la TVA sur Amazon et Cdiscount, 9 décembre 2019.