« Je refuse la technologie à outrance dans les magasins. Je refuse les e-smartphones, les e-tablets, les e-paiements, les e-senteurs, les e-musiques et vidéos de toutes sortes. Je refuse les chariots-robots, les auto-scan, les e-bornes numériques et tactiles qui dicteront mes goûts et les modes que je devrais suivre pour m’habiller, équiper ma maison ou offrir des cadeaux à mes proches. Je refuse le monde aseptisé où des ondes balancées par des satellites européens, russes, chinois ou américains, me traverseront de toutes parts aussitôt après avoir franchi l’entrée d’un magasin ou d’un centre commercial; serait-il une ville offrant commerces, loisirs et culture. Je refuse de traverser ces portes vitrées où mon pied à peine posé, des monceaux de faisceaux lasers multicolores autant qu’invisibles déséquilibreront mon métabolisme. Pauvre métabolisme que des lobbies prétendus sauveurs de la planète auront déjà contraint à avaler du bio-bio-bio et à s’en couvrir le corps. Last but not least, je ne crois pas au développement de l’Internet sans un déploiement puissant et concomitant du magasin.
Je refuse de croire à la réussite du tout techno dans le commerce si nos géniaux inventeurs d’hier ne se réveillent pas pour crier aux oreilles de nos géniaux inventeurs d’aujourd’hui :
– eh coco, tu oublies l’essentiel !
– ah bon ? pourtant j’ai révolutionné le monde du magasin en y mettant de la modernité partout !
– mais qu’est-ce que ta modernité si tu n’as pas compris à quel point la force du commerce, la réussite de nos grands hommes et de nos grands concepts, c’est surtout la capacité de répondre à l’humain par l’humain !
– tu divagues, papy, Wal-Mart c’est de la bourse, de la supply chain, de l’hypervolume !
– c’est un autre débat on en parlera un autre jour, le commerce ne se limite pas au hard-hard, bien loin de là et heureusement sinon on vivrait un monde bien triste et toute la chaîne de valeur en serait largement appauvrie !
– alors c’est quoi ton truc de l’humain ?L’homme est à la fois rationnel et irrationnel. Il cherchera toujours à accomplir sa vie dans des instants de joie et de bonheur. Certains ont des vies bien plus dures que d’autres, c’est un drame permanent de l’espèce humaine. Mais si à un moment quelconque on oublie de faire appel et de répondre à cette sensibilité de l’individu, on tue le plaisir, on tue l’envie d’acheter (un antidépresseur bien plus fort que le Prozac), on tue le commerce, on tue la ville, on tue l’économie.
Cette humanité essentielle pour la réussite du magasin du futur fut la réussite de nos concepts ) d’hier. Elle s’exprime dans deux domaines : l’équipier et le visiteur.
Un magasin, comme un site de e-commerce, c’est avant tout une chaîne humaine, de «l’employé libre-service», de «l’hôtesse de caisse», du «téléphoniste du e-call center” au Président (patron-fondateur ou mercenaire du capital-risque), ce que j’appelle des équipiers. Pourquoi parle-t-on tellement des innovations technologiques des magasins et si peu des innovations de management de la distribution ? Elles existent, je les rencontre tous les jours, mais j’ai cette impression qu’elles sont si peu nombreuses. Toute la distribution et la sphère boursière ira visiter avant Noël le nouveau Carrefour Planet. Ils en reviendront ébahis par tant d’audace. Mais lequel de ces visiteurs cherchera à discuter avec une hôtesse de caisse ou avec un quelconque chef de rayon ? Lequel de ces inconnus qui ne manquera pas de s’esclaffer sur la cave à jambon ou sur la borne de test de produits de beauté cherchera à comprendre si le personnel de ce nouveau magasin est plus heureux, plus souriant, plus motivé ? Et c’est pourtant là, à mon sens, une des clés de la réussite de tout nouveau concept.
– Bonjour Madame la caissière, qu’est-ce qui change pour vous avec Carrefour Planet ?
– Bonjour Monsieur le chef, faites-vous vos courses, toutes vos courses, dans votre magasin ?
– Bonjour Monsieur de la sécurité, êtes-vous heureux de venir travailler tous les matins depuis que votre magasin s’est transformé ?Rendez heureux les hommes de la distribution et vous serez de vrais inventaires du nouveau commerce ! Oh combien c’est difficile ! Je n’ai aucune prétention de donneur de leçon, le consultant n’est pas le payeur, je le sais, je l’entends régulièrement… Mais vous ne m’empêcherez pas d’avoir mon opinion et de l’exprimer fortement pour ce que je considère être un bien pour cette place essentielle dont dispose le commerce dans notre société.
Toute personne qui entre dans un magasin est avant tout un visiteur. Les commerçants qui voient encore dans ce personnage une carte de crédit, des billets d’euros ou un simple quidam à qui on va faire avaler les grandes affiches promos ou les mauvais équilibres qualité perçue -prix accepté, seront bien déçus, s’ils ne sont pas déjà morts pour certains. Je ne crois pas plus à certaines grandes études dites marketing ou stratégiques qui prétendent donner la clé du comportement du client. Un magazine professionnel relatait que Carrefour avait fait appel à de grands cabinets pour réaliser ces fameuses études. Je ne peux m’empêcher de ressentir un doute sur leur perspicacité. Un visiteur n’est pas un acheteur et encore moins un client qui reviendra dans le magasin ou sur le site web. Comment attirer, comment transformer la visite en achat, comment fidéliser ? (Selon les trois pôles du marketing du distributeur chers à mon ami le Professeur Marc Dupuis). On a écrit des pages et des pages, lancé des débats et des débats sur le client-roi, butineur, consommacteur (Robert Rochefort) et maintenant wikiconsommateur (Bernard Cathelat). Je ne crois pas que c’est la technologie qui mettra le visiteur au coeur des préoccupations du distributeur. Bien au contraire elle peut en nier l’aspect irrationnel et impulsif.
Pensez à l’individu qui vient visiter votre magasin, à la façon de lui plaire avec le cœur que vous allez insuffler dans chaque pouce, chaque gondole, chaque poste d’encaissement et de service ! Pensez humanité au lieu de penser simplement capital et rentabilité, votre bénéfice en sera décuplé !
J’ai l’occasion de faire de grands voyages à travers le monde. Certes j’en profite pour visiter les nouveaux concepts et les centres commerciaux, mais c’est toujours dans des pays peu développés que je retrouve de nouvelles impulsions pour le commerce. »
Billet d’humeur de Michel Choukroun
Consultant en problématiques de distribution
Professeur à l’Université Paris-Dauphine
Conseiller-Expert du groupe Xerfi-Precepta
m.choukroun@mc-analysis.com
Extrait de Equipmag 2010 sous le titre « Il ne faut pas se tromper de direction ! »
Interview de Pascal Madry, Directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce
Bonjour et bravo pour ce billet,
Chez Improveeze nous pensons également que la relation humaine sur point de vente est essentielle et que le rôle de la technologie est d’accompagner et de faciliter la relation client-vendeur.
N’hésitez pas à venir nous rencontrer sur le salon VAD de Lille http://www.vad-ecommerce.com
nous serions heureux de vous présenter plus en détail notre point de vue, ainsi que de bénéficier de vos remarques.
Il faut aussi savoir vivre avec son temps et accepter le changement. Cela me rappelle la vieille histoire entre la radio, la télévision et le cinéma et son rebondissement à l’avènement d’internet.
Je crois moi qu’il est important aujourd’hui d’apporter un choix à nos invités (votre visiteur), celui de pouvoir utiliser cette technologie, et que cette technologie est porteuse de solutions et d’économie de force pour ceux qui préparent la réception (vos équipiers).
Par contre je vous rejoins sur un point, pas d’extrimisme, la machine est au service de l’Hommes et pas le contraire.
Voici un cas tout simple, celui d’un petit magasin et de son client de proximité, et fidéle.
La question. Pourquoi un client d’un petit magasin n’aurait-il pas le droit d’acheter les mêmes produits que le client d’un grand magasin ?
Parce qu’un petit magasin ne peut pas stocker autant de produit qu’un gros magasin !
Mais un petit magasin peut permettre au client, à l’aide d’une borne informatique tactile, de commander un produit qu’il ne trouvera pas et d’être livré chez lui (far away from the blue blue…sky line) grâce au e-commerce entre autre.
Il n’y a donc plus de différence entre un petit et un grand magasin pour n’importe quel invité.
Cordialement
Vous avez donc compris qu’il y aura de moins en moins de différence entre un petit et un grand magasin puisque l’assortiment est, de toute façon, limité dans les deux cas.
“Internet” est donc le plus grand des commerçants à ce jour.
Combien de fois dans les magasins m’a-t-on indiqué d’aller voir sur un site concurrent de l’enseigne que je visitais. A force de le dire aux clients, pourquoi souhaitez vous qu’ils fassent autrement.
Ce sont des “tueurs de vente”, expression chère à Bernardo Trujillo.
“Une bonne affiche vaut mieux qu’un mauvais vendeur…”
C’est pour cela que la distinction entre grand et petit commerce NE PEUT PAS ce faire sur une question de l’offre… mais sur d’autres critères.
Je crois que si Bernardo Trujillo avait vu sa caisse enregistreuse capable d’éditer le bon d’achat sur le produit qui intéresse l’invité qui était en train de payer, en même temps que son ticket de caisse, il s’en serait féllicité et se serait demandé de suite si le stock nécessaire à réaliser la vente était bien présent au moins en entrepot… car c’était donner naissance à une nouvelle vente futur.
A l’heure qu’il est, ce sont les clients qui construisent internet, et la technique qui permet d’augmenter les ventes.
Carrefour ou n’importe quelle enseigne – dont certaines l’ont inscrit dans leur développement – ne peuvent pas se permettre d’abandonner cette mane que représente la vente virtuelle à ses concurrents… ce n’est pas pour autant qu’il faut fermer boutique, au contraire.
Je continu de croire que la différence entre un petit et un magasin plus grand s’estompe à mesure que le stock se dématérialise dans son site internet et que toujours son invité doit être servi, que soit ou pas physiquement le produit qu’il cherche à disposition, c’est cela commercer et c’est cela la différence. Je peux ou pas acheter.
Il faut intégrer comme une donnée banale le e-commerce, l’accaparer et s’en accomoder. Et c’est bien en plus du contact humain quotidien je vous le confirme, c’est complémentaire… et accessoirement la meilleure progression en ce moment…
“Combien de fois dans les magasins m’a-t-on indiqué d’aller voir sur un site concurrent de l’enseigne que je visitais. A force de le dire aux clients, pourquoi souhaitez vous qu’ils fassent autrement” Heureusement que vous avez votre site….
Pensez-vous que Bernardo Trujillo aurait accepté que l’encaissement soit plus lent !
Pensez-vous que Bernardo Trujillo ne leur aurait pas dit de réagir face à internet !
Si vous ne faites rien, demain vous allez vous réveiller mort !
Il n’est pas plus lent il est plus long et concomittant à la taille de la surface de vente, et privilégie la mise en oeuvre de la formation de base de l’hôtesse d’accueil – soit dit en passant l’hôtesse d’au revoir… – qui délivre le fameux ticket de caisse… billet de retour à venir faire ses courses… un peu provoqué par l’offre promotionnelle.
Je trouve cela génial d’exploiter la connaissance de son client, et de lui dire sur son ticket de caisse… même une NCR !
Bernardo Trujillo connaissait l’existence internet, par contre s’il ne l’a pas conseillé, il ne l’a pas non plus fustigé… qui lui a posé la question sur ce sujet ?
De tous ses “élèves” et même ceux qui ne le furent pas et qui ont donné les moyens à ceux qui le furent de vraiment créer la grande distribution, tous et depuis très longtemps ont intégrés internet le e-commerce et encore le Datasharing, les ERP… tous.
Non, internet ne remplacera jamais la grande distribution et ses équipiers.
Et le jour où ils seront morts, ils ne se réveilleront pas…
D’aristide Boucicaut….
..les fondements de la grande distribution : le libre accès du consommateur au magasin, sans obligation d’achat.. le Bon Marché, 18 000 consommateurs par jour.
Bernardo Trujillo est décédé en 1971.
Toutefois, pour revenir au commerce “dit moderne” de type Carrefour du moment se sont les vivants qui vont mourir demain matin…
1971, ce qui lui a laissé le temps d’apprendre ce qu’Aristide Boucicaut a créé… et aussi de prendre connaissance d’internet qui existait déjà, puisque dès 1960 les applications fonctionnaient.
Quant au commerce moderne… de type Carrefour, il ne cesse de renaître.