Le divorce entre les salariés et leurs dirigeants est consommé
Methys, cabinet de conseil indépendant dédié aux solutions décisionnelles, dévoile les résultats de son étude sur « Les salariés et la performance après la crise ». Réalisée en partenariat avec l’Ifop auprès d’un échantillon de 1 000 salariés, représentatif des salariés français d’entreprises privées de plus de 50 salariés, cette enquête vise à explorer leur perception du concept de performance à travers trois volet.
1. Les salariés jugent leur entreprise et ses collaborateurs très performants, mais remettent en cause les caractéristiques de cette performance et les objectifs poursuivis
Quand ils sont interrogés sur leur propre performance dans le cadre professionnel, les salariés français se définissent de manière quasi unanime comme étant performants (96%) voir même très performants pour un quart (24%) d’entre eux. Ils expriment également une vision très positive de la performance de leur entreprise et de ses collaborateurs (90% et 91%). La perception de leurs dirigeants apparaît beaucoup plus nuancée car plus d’un salarié sur cinq juge qu’ils ne sont pas performants (26%).
Les salariés expliquent en premier lieu la bonne performance de leur entreprise par la bonne image qu’elle renvoie (44%) et par la qualité des biens et services produits (37%), soit des éléments moteurs en termes de fierté. Les indicateurs de progression de l’activité, à savoir un chiffre d’affaires élevé (28%), et le fait que leur structure développe de nouveaux produits et services (26%) ne sont cités que dans une moindre mesure. Viennent ensuite l’accroissement de la charge de travail (22%), les nouvelles embauches (20%), et la progression des ventes (19%).
Seul une faible proportion d’interviewés corrèlent la performance de leur entreprise à l’efficacité de sa stratégie (16%), à la compétence de leurs managers (6%) ou à l’augmentation des rémunérations (5%).
A l’inverse, les salariés estimant que leur entreprise n’est pas performante fondent principalement leur vision sur leur perception de l’incompétence du management (53%) et sur le gel récent des salaires (41%), soit précisément les critères les moins fréquemment mentionnés pour justifier du bon fonctionnement de leur société. Dans une moindre mesure, un quart des personnes interrogées concernées associe la non performance de leur employeur à l’existence de démissions au sein de l’entreprise (27%), à l’absence de stratégie (24%) ou à la mauvaise qualité des produits ou services (23%).
Si les salariés français interrogés reconnaissent largement la nécessité pour l’entreprise de chercher à toujours améliorer leur performance (95%), ils n’en sont pas moins critiques sur les caractéristiques de cette performance et les objectifs poursuivis par l’entreprise. Ainsi, 95% des salariés soulignent que l’on demande de plus en plus de produire plus, plus vite, et à moindre coût (61% approuvant même « tout à fait » cette opinion). De même, 91% suspectent les entreprises d’améliorer leur performance environnementale avant tout pour améliorer leur image et 89% des salariés estiment que les entreprises ne recherchent la performance financière que pour satisfaire leurs actionnaires. Ce jugement sévère concerne également la stratégie et la qualité : les trois quarts des interviewés regrettent que la performance immédiate prenne le pas sur la vision à long terme (76%) et que l’amélioration de la performance se fasse au détriment de la qualité du travail fourni (74%). Notons enfin que seuls 45% seulement des salariés perçoivent un renforcement de l’attention portée par les entreprises à leur performance sociale.
« Loin de rejeter la notion de performance, les salariés l’intègrent comme une composante essentielle de leur activité », analyse Stéphane PIMIENTA, Directeur Général du cabinet de conseil METHYS. « Toutefois ils regrettent majoritairement qu’elle soit définie de façon réductrice, sur la base de critères essentiellement financiers et comptables. Emerge ainsi l’attente forte d’une conception exhaustive de la performance, qui accorderait davantage de place à des critères actuellement moins valorisés, notamment les dimensions sociale et environnementale. Cette vision à 360° de la performance gagnerait également à compléter ces critères quantitatifs par des éléments de mesure qualitatifs ».
2. Les moyens de mesure de la performance largement remis en cause : mal expliqués ou inutiles, ils sont jugés contre-productifs
La mesure de la performance au sein de leur entreprise ne satisfait que moyennement les salariés interrogés, à l’exception de la performance globale de l’entreprise, pour laquelle 71% des personnes interrogées estiment qu’elle est « bien mesurée ». Les jugements s’avèrent ainsi très mitigés en ce qui concerne la mesure de la performance des différents acteurs présents au sein de l’entreprise. Une courte majorité estime que la performance des dirigeants est bien mesurée (57%), tout comme sa propre performance (53%) et celle des autres salariés (52%).
Au-delà de la pertinence des moyens utilisés, l’impact de la mesure de la performance se révèle très largement négatif aux yeux des salariés, qui citent en premier lieu le regain de stress qui en découle (89%, un chiffre croissant avec l’âge). Plus de huit salariés sur dix voient dans la mesure de la performance un moyen de contrôler l’action des salariés (83%), regrettant également que cette évaluation soit trop quantitative au détriment du qualitatif (82%) et qu’elle génère des tensions entre salariés et managers (81%).
Point plus préoccupant encore, plus de la moitié des interviewés voit dans la mesure de la performance une entrave à son travail (55%). Son apport positif sur le plan stratégique est faiblement reconnu, seules 54% des personnes interrogées jugent que la mesure de la performance permet aux dirigeants de prendre de meilleures décisions.
Près des trois quarts des salariés interrogés déclarent bénéficier d’un retour sur leur performance individuelle (73%), dont 57% à travers un entretien avec leur management et 39% via une gratification financière.
Les performances de leur équipe (28%) et de l’entreprise au global (43%) entrent en ligne de compte dans la rémunération d’une part minoritaire de salariés. La performance individuelle conditionne un peu plus la rémunération des salariés, mais ne concerne que moins d’un salarié sur deux (47%, un chiffre qui augmente avec la taille de l’entreprise). Sur ce sujet, les salariés de la construction (66%) et des activités financières (65%) représentent les segments voyant le plus souvent leur rémunération corrélée à la performance individuelle. A ce titre, il apparaît que 69% de ceux qui ne jouissent pas d’une rémunération variable liée à leur performance individuelle aimeraient que leur rémunération intègre cette dimension.
« Les salariés s’estiment unanimement performants, mais ils regrettent que la performance ne tienne pas suffisamment compte des efforts individuels et se concentre sur des indicateurs globaux », commente Stéphane PIMIENTA, Directeur Général du cabinet de conseil METHYS. « La grande majorité des salariés souhaite être davantage évaluée sur son action et son implication individuelles, qui pourrait plus fortement conditionner la rémunération ».
Les augmentations de salaire dans les entreprises sont considérées comme « injustes et déconnectées de la performance individuelle » par 71% des personnes interrogées. Ce sentiment d’iniquité se retrouve également s’agissant de la rémunération des dirigeants par rapport à la performance de l’entreprise, qualifiée d’injustifiée par 58% des personnes interrogées.
« La mesure actuelle de la performance est sous-optimale. Un des problèmes que cette étude souligne est la déconnexion entre la stratégie de l’entreprise et les critères réellement utilisés pour mesurer la performance. Les salariés se montrent très critiques vis-à-vis des moyens utilisés pour mesurer la performance : mal expliqués, à l’utilité floue, ces outils ne sont perçus que comme des entraves au travail et des formalités bureaucratiques », poursuit Stéphane PIMIENTA. « Cette inadaptation des outils génère des effets pervers importants. Les conséquences négatives ressenties par les salariés sont multiples : accélération des rythmes de production, augmentation du stress, amplifications des tensions et des rivalités internes… Le sentiment dominant est celui d’une prime accordée à la réactivité à court terme au détriment d’une vision stratégique de plus long terme et surtout de la qualité du travail fourni. Apparaît ainsi le risque de contre-productivité économique liée à la mesure de la performance ».
3. La performance pendant la crise : des efforts peu récompensés et des dirigeants jugés peu exemplaires et n’ayant pas retenu les leçons de la crise
L’effet de la crise économique sur la performance des salariés et de leur entreprise est souligné par une part importante des personnes interrogées. Pour un salarié sur trois, la crise a détériorée la performance de leur entreprise (33%), de leurs dirigeants (32%) et des salariés (29%). En revanche, ils semblent plus cléments envers eux-mêmes, seulement 18% estimant que la crise a altéré leur performance individuelle. Un quart déclare que leur performance s’est améliorée.
77% des salariés français interrogés considèrent que la crise a poussé les dirigeants à exiger d’eux une plus grande performance pour maintenir la compétitivité de l’entreprise (et même 80% dans l’industrie et 83% dans le commerce), efforts que 76% estiment que leurs collègues et eux-mêmes ont fourni.
En revanche, la majorité des personnes interrogées (57%) souligne le manque d’exemplarité du comportement des dirigeants pendant la crise. Ajoutons que pour la moitié d’entre eux (48%), la crise a révélé l’impuissance des dirigeants à mesurer efficacement la performance par manque de manque de moyens efficaces.
En lien logique avec ce constat, la crise n’aurait engendré une évolution des comportements vis-à-vis de la mesure de la performance que dans 38% des cas, seuls 11% des salariés interrogés appréhendant ce changement comme positif contre 27% qui le voient comme négatif.
Les efforts fournis pendant la crise pour maintenir la performance de l’entreprise sont jugés bien récompensés pour moins d’un quart des personnes interrogées (24%), contre 34% estimant avoir vu leurs efforts « mal récompensés ». A cette tendance négative s’ajoutent 42% de salariés déclarant ne pas avoir été récompensés du tout de leurs efforts.
« Le contexte de crise économique a amplifié ces éléments structurels de tensions. Les salariés décodent ainsi la crise économique comme l’occasion manquée d’un resserrement des liens avec la direction et d’une évolution des relations hiérarchiques dans le sens d’une plus grande solidarité », conclut Stéphane PIMIENTA, Dircteur Général du cabinet de conseil METHYS. « Le sentiment d’un double décalage apparait : d’une part, entre les efforts fournis par les salariés et le manque d’exemplarité du management, et d’autre part, entre les efforts consentis et la faiblesse de la récompense reçue en retour. Il semblerait que la mesure de la performance ne doive pas s’arrêter à fournir de l’information pour le pilotage global de l’entreprise mais être utilisé pour piloter finement l’ensemble des activités de l’organisation. Cette étude montre qu’il est urgent pour le management des entreprises de se pencher sur la question de la performance, afin de mettre en place à la fois des définitions, des systèmes de mesures, et des réponses qui répondent aux aspirations de leurs salariés ».
Total et L’Oréal sont les entreprises françaises qui incarnent le mieux la notion de performance
Invités à citer les entreprises incarnant le mieux la performance à leurs yeux, les salariés français placent Total (25%) et L’Oréal (22%) loin devant les autres grands groupes proposés. LVMH (11%), Bouygues, Sanofi-Aventis, Veolia Environnement et GDF Suez (toutes à 10%) sont les seules autres entreprises évoquées par au moins un répondant sur dix. Viennent ensuite Vinci et Carrefour (9%), BNP Paribas et EDF (8%), Danone (7%), ainsi que Renault, Michelin et Accor, émargeant pour leur part à 6% de citations. Les autres entreprises sont toutes évoquées par moins de 6% des interviewés. Il convient de noter à cet égard que les entreprises qui occupent la fin de ce classement sont celles bénéficiant a priori d’une notoriété moindre.