Les choses bougent… le train du démantèlement vient de sonner le départ. Le découpage débute et se présente comme inévitable. Cela fait plusieurs mois que nous l’évoquions.
Le management n’arrive plus à imposer sa position face aux actionnaires depuis bien longtemps, c’est un fait. L’époque où les propriétaires préféraient les salariés à la bourse est également bien loin.
C’est l’actionnaire qui gagnera finalement le mieux son pain dans l’affaire demain. Que de casse en attendant pour cela !
Il faut bien trouver une compensation à ce que plusieurs considèrent comme une simple anomalie de cotation boursière (sic).
Comme il est difficile de jouer la valorisation financière, de générer toujours plus de chiffre d’affaires, de résultat d’exploitation au même moment où l’on souhaite voir s’envoler les loyers… d’autant que l’on décide de jouer la première tout en actionnant la dernière ! Essayer un jour de vous grandir, de vouloir courrir en souhaitant ne pas vous essoufler tout en pensant que payer votre tiers provisionnel peut vous aider ! C’est la logique aujourd’hui à Carrefour. Le bon moteur n’y est plus, le bon sens non plus.
Les éléments s’imbriquaient lorsque la direction générale partait en campagne mettre en place les rayons avec les équipes au petit matin. Les structures du siège étaient encore légères.
L’espoir des actuels propriétaires est de pourvoir bénéficier d’une revalorisation de 30 à 40% du groupe par la découpe en plusieurs morceaux (Carrefour, Dia et immobilier séparés, et d’autres à venir au Brésil… du côté de Cetelem). On se demandera toutefois si ces agissements en bourse ne sont finalement pas contre productifs pour l’entreprise toute entière.
Comment faire son beurre lorsque l’on est apprentis épicier ?
Il est très amusant de voir comme les actionnaires incitent le marché à revaloriser l’entreprise. N’oubliez pas, chers investisseurs, l’immobilier seul c’est 10 milliards et Dia… 4 milliards vous dit-on. Faites vos comptes… et surtout n’oubliez pas de penser à nous lorsque vous passerez en caisse, viennent dire les actionnaires.
Le Figaro, là dessus, fait toujours très bien son office. Merci à lui et sa rédaction pour faire circuler les informations dont tout le monde a besoin, surtout à destinations des petits porteurs.
Pour dire que 6% du capital avait été supprimé, en revanche, pas une ligne pour les petits. Seuls les gros sont concernés, pas besoin d’ébruiter. Au bal masqué que voici, l’on préfère parler de salade glissante, “jolie salade” en effet.
Que restera-t-il lorsque la direction générale aura changé ?
Il faudra bien un jour y passer. Il paraît même qu’ils sont depuis longtemps en train d’y penser. Pour qui ? Cela sera bien difficile à trouver un cadre qui accepte de se suicider, mais les jours sont pourtant comptés :
– un ancien de la production, autant se tirer une deuxième balle dans le pieds ;
– un ancien qui connaissait Carrefour, ils ont tous été décapités.
Qui acceptera finalement de devenir la boussole de l’affaire ? Dans la théorie du prisonnier, c’est toujours le plus mauvais choix qui est fait lorsque chacun veut garder sa position. Bientôt il ne restera plus que des lapins à tirer du chapeau ou des colombes, qui feront tout pour s’échapper.
Une chose sera évidente alors. Si Colony Capital est propriétaire de plus de 50% de l’immobilier, ou le contrôle tout bonnement, jamais le résultat comme actionnaire ne lui suffira. Inexorablement les loyers augmenteront pour payer ainsi la note. Une double rémunération en somme pour Colony Capital, un délice pour les concurrents… Une torture pour qui aura pris la tête, ne pouvant atteindre le point de rentabilité avec autant d’épine dans les pieds. Seul salut alors, devenir ce dont doit rêver un bon propriétaire de marques… un vrai grand magasin bien recentré sur les marges les plus grasses.
Cette ineptie capitaliste amènera la recherche de rentabilité à faire tourner la tête des équipes et tomber encore plus de bonnes volontés au sein du management… Situation de fin de règne sans doute.
A faire la girouette ainsi, autant exploiter le mouvement et faire danser au même moment, actionnaires et salariés entre spin-off et lup dub, là est l’essentiel lorsque l’on souhaite occuper les esprits.
La volonté de valoriser les locaux et sortir Dia ne sont pourtant pas choses nouvelles. Depuis Daniel Bernard déjà le menu était engagé, mais fiscalement, notamment concernant la taxation d’éventuelles plus-values immobilières n’est point solutionné.
A force d’attendre, c’est qu’aujourd’hui le plat est devenu froid. Il ne reste plus qu’à sortir – à renfort de presse – cette pseudo nouveauté pour que les marchés puissent acheter.
Mais si le marché ne veut en manger c’est la dégradation de la notation financière (A-) du groupe Carrefour qui est assurée.
Un risque de disparition totale
Et si l’exploitation continue à perdre des parts de marché, finalement que restera-t-il de cette coquille vide à moitié ? La réponse : un chiffre d’affaires qui faudra faire galoper par promotion calibrée à la louche pour rattraper des frais d’exploitation hors de mesure, et donc un résultat qui s’effondrera inévitablement par démotivation et précipitation… la ruine d’une entreprise et de ses valeurs.
Morale de Bernardo Trujillo sur cette histoire :
– “Lorsque les corsairs sont devenus des armateurs nantis, ils oublient d’où ils viennent.”