Cette Association des Franchisés Carrefour (AFC), association déclarée totalisant près de 120 membres actuellement selon les indications de ses représentants, a décidé de faire valoir les propres engagements du Groupe Carrefour envers ses franchisés. De nombreux magasins de proximité sont en crise. Les langues aujourd’hui se délient. Compte-rendu de la première réunion publique – organisée sur Paris – en présence de la presse.
L’AFC présente la situation
Créée en février 2020, l’association souhaite, selon ses propos : “dénoncer un système. Un système qui brise des vies”. Il faut savoir que l’enseigne Carrefour totalise en France 5.274 magasins dont 85% sont des franchisés. Il est vrai également que les propos d’Alexandre Bompard privilégiant les hypermarchés au dépend de la proximité – au début de la période du Covid-19 – aura laissé une très grande incompréhension.
Stéphane Robert, locataire-gérant et propriétaire, fait un appel
“Ceux qui ont envie de venir nous rejoindre, n’ayez pas peur. […] La seule chose que Carrefour sait faire : c’est la pression.”
Philippe Pottier : Président de l’AFC
Philippe Pottier évoque le pacte d’associé et ses conséquences…
Un contrat de 7 ans… engageant pour 99 ans !
Pour bâtir une franchise Carrefour, le Groupe Carrefour prend une minorité de blocage au sein de la société constituée par le franchisé, 26% dans une SARL ou 34% dans une SA. A l’échéance de la durée du contrat de franchise de 7 ans, l’objet social ne peut être modifié sans la majorité des 3/4 selon les statuts types qui sont fournis par l’enseigne. “Et à partir de là le piège se referme. C’est-à-dire que vous êtes engagés non pas pour 7 ans de contrat de franchise et d’approvisionnement mais vous êtes engagé pour la durée de vie de votre société, pour 99 ans.” Pour les SARL, par exemple, il manque en effet 1% pour que les propriétaires puissent se désengager.
De la pépinière… à la faillite
La situation économique est étonnante. Il coûterait en effet moins cher à un franchisé de centre-ville de se fournir au sein de son hypermarché Carrefour le plus proche que de passer commande – comme le contrat d’approvisionnement lui impose – via l’entrepôt détenus par CSF, interlocuteur exclusif des franchisés Carrefour.
“On nous considère avec mépris”
Il y a quelques mois déjà, la presse avait relaté le malaise de la Franchise. Aujourd’hui, devant la presse, les propos ont été plus précis. “On nous considère avec mépris. Mais cela ce n’est pas grave. Vous l’avez compris, on est déterminé. On ira au bout. […] C’est nous les franchisés qui avons décidé de nous réunir. […] On est plus de 300, à notre connaissance dans cette situation.”
“S’ils ne bougent pas c’est le groupe qui s’effondrera en France” précise Jérôme Coulombel. Il faut savoir que 70% des membres de l’association souhaitent rester dans Carrefour pour le moment. Il est urgent de trouver des solutions et que le dialogue puisse reprendre.
Pour autant, “les comités d’échange – lieu naturel de discussion entre le groupe et les franchisés – ne peuvent se transformer durablement en comité de directives”, dixit un proche du dossier.
Les conditions demandées par l’Association des Franchisés Carrefour
L’Association des Franchisés Carrefour souhaite collectivement que quatre conditions soient réunies :
- la suppression des 26% de participation de Carrefour Groupe – via SELIMA sa filiale à 100% – dans le capital des entreprises locales pour que les franchisés redeviennent véritablement indépendants et donc cession des 26% pour l’euro symbolique pour tous les franchisés
- la suppression des pactes d’associés
- la restauration de la marge des franchisés, entre 8 et 10%, seul point sur lequel l’association se dit prête à négocier
- l’indemnisation du préjudice de tous les membres de l’association pour les 5 dernières années relative aux “conditions tarifaires compétitives”.
“Tant que l’on aura pas eu gain de cause sur ces 4 conditions, il n’y aura aucun accord” précise Jérôme Coulombel, le secrétaire de l’AFC.
Les enseignes du Groupe Carrefour pouvant être concernées
En mai dernier, la presse avait relaté le combat d’un franchisé. Il faut toutefois comprendre que l’AFC vise à représenter tous les formats de magasins aussi bien en franchise qu’en location gérance, appuyée par trois cabinets d’avocats (Thill-Langeard et Associés, Me François-Xavier Awatar et Me Thierry Taviaux) :
- en proximité City : Contact, 8 à huit ; Express, BIO, SO BIO, Proxi ; Carrefour montagne ;
- pour les supermarchés : Market, Carrefour Market ;
- pour les hypermarchés : Carrefour ;
- pour le cash & carry : Promocash.
De l’avenir d’un modèle tourné vers la franchise
Comme nous pouvons l’imaginer, le sujet de la franchise pourrait s’inviter lors de la prochaine Assemblée Générale.
En effet, “une difficulté supplémentaire, dont le Groupe Carrefour n’a pas pris la mesure, pourrait venir de l’inflation des dossiers juridiques qui viendraient à se cumuler chaque franchisé membre de l’AFC”, indique une source proche du dossier.
Avec son modèle de développement, il n’est pas viable que Carrefour soit contre Carrefour.
Ces questions sont d’autant plus d’actualité que la Fédération Française de la Franchise (FFF) prépare Les Entretiens de la Franchise pour le 23 novembre prochain autour de plusieurs tables rondes, ayant notamment pour thème :
- Les déterminants des modes de développement
- les savoir-faire en franchise : performance et effets concurrentiels
- qualité de la relation de franchise et performance
Tâche d’huile ?
Plusieurs groupes de distribution pourraient à terme se trouver dans des situations similaires. C’est que l’utilisation du modèle de la franchise par les groupes internationaux pose actuellement des questions, à l’exemple de l’action juridique entreprise par 31 Subway en France.