A la suite de l’enquête qu’elle a ouverte concernant l’accord à l’achat conclu entre Carrefour et Tesco, l’Autorité de la concurrence a reçu des propositions d’engagements des deux groupes redéfinissant le périmètre de leur coopération sur les marques de distributeurs.
Elle les publie sur son site Internet pour recueillir les observations des tiers intéressés.
En mai 2018 (voir communiqué de presse du 16 juillet 2018), l’Autorité a décidé, à la suite de la communication de plusieurs projets de rapprochements à l’achat, Auchan/Casino/Metro/Schiever, Carrefour/Système U, d’ouvrir, pour chacun de ces accords, une enquête afin d’évaluer leur impact concurrentiel à l’amont (fournisseurs) et à l’aval (consommateurs). Une autre enquête a ensuite été lancée concernant le rapprochement à l’achat entre Carrefour et Tesco (l’Alliance).
L’accord Carrefour et Tesco
Dans le prolongement de cette dernière enquête, l’Autorité s’est autosaisie au fond puis en mesures conservatoires sur le fondement du dispositif spécifique aux centrales d’achat introduit par la loi Egalim en septembre 2019. L’Autorité a en effet la faculté, en matière de rapprochements à l’achat, de se saisir d’office en mesures conservatoires[1].
L’accord Carrefour/Tesco, dit l’Alliance, s’articule autour de deux axes : l’achat en commun de produits de marques de distributeurs (MDD) et la fourniture en commun de services internationaux au bénéfice des fournisseurs.
Les préoccupations de concurrence soulevées : une fragilisation des fournisseurs de MDD
L’instruction des accords conclus entre Carrefour/Tesco a permis d’identifier des préoccupations de concurrence concernant le volet relatif aux produits de marques de distributeur (MDD).
En effet, le marché amont de l’approvisionnement est marqué par des conditions contractuelles plutôt défavorables aux fournisseurs (absence d’exclusivité, contrats de courte durée, absence d’engagements de volumes de la part des distributeurs), ce qui limite leur pouvoir de marché. La rentabilité relativement faible de ces entreprises illustre ce faible pouvoir de marché.
En outre, une part significative de l’offre MDD est produite par des entreprises de taille réduite (PME, TPE), plus exposées à un changement brutal des conditions de commercialisation de leurs produits, qu’il s’agisse d’une baisse de prix ou de la perte de volumes que pourrait engendrer la massification des achats des parties.
Or, si le cahier des charges des produits MDD est in fine défini par le distributeur, son processus d’élaboration fait également intervenir les fournisseurs en amont lors de la phase de définition des produits, ceux-ci jouant alors un rôle important dans l’innovation de certains produits.
La mise en œuvre des accords de coopération pourrait ainsi fragiliser des entreprises faisant partie du processus d’innovation pour les produits MDD et diminuer la capacité, voire l’incitation, des fournisseurs à investir et à innover, et ainsi nuire au bien-être des consommateurs sur le marché de détail.
Les engagements proposés : une réduction du périmètre de l’accord de coopération à l’achat existant
A la suite des échanges avec les services d’instruction, et en réponse aux problèmes de concurrence soulevés, les parties se sont rapprochées des services d’instruction et ont proposé plusieurs engagements. Elles proposent :
- d’exclure notamment du périmètre de l’accord plusieurs familles de fruits et légumes (agrumes, courgettes, kiwis, melons, raisins, pêches, nectarines…) achetés directement auprès des producteurs français et européens et dont les filières présentent des fragilités qui se sont accrues en raison de la crise liée au COVID-19. Sont aussi exclus de l’accord les plantes et fleurs d’intérieur originaires de France et l’Union européenne ainsi que l’agneau français et européen ;
- de limiter les achats en commun pour certaines familles de produits (coton, fromages persillés, pâtes, cheddar, conserves de tomates…) à 15 % du marché français MDD ;
- de ne plus exclure du périmètre des appels d’offres lancés pour fabriquer leurs MDD certaines catégories d’entreprises : les PME pour Carrefour et les entreprises réalisant moins de 3 millions de livres sterling par an pour Tesco.
Les suites de la procédure
A la suite de ces propositions d’engagements, l’Autorité les publie sur son site Internet et invite les tiers intéressés (fournisseurs, enseignes concurrentes, fédérations professionnelles, associations de consommateurs), à présenter leurs observations au plus tard le 9 novembre 2020.
Au terme de la procédure, si les engagements proposés, éventuellement complétés et amendés, sont de nature à répondre aux préoccupations de concurrence exprimées, l’Autorité pourra procéder à la clôture de l’affaire, en prenant acte des engagements, qui prendront alors un caractère obligatoire.
[1] Article L. 462-10 al. III du Code de commerce introduit par la loi EGALIM du 30 octobre 2018.
Les autres procédures en cours
L’Autorité instruit actuellement d’autres dossiers sur les rapprochements à l’achat.
Des propositions d’engagements d’Auchan/Casino/Metro et Schiever ont ainsi été soumises à un test de marché cet été (voir communiqué de presse du 25 juin 2020). La décision de l’Autorité sera rendue prochainement.