Après 29 jours de violation des consignes sanitaires dans les entrepôts Amazon, le tribunal de Nanterre a rendu son verdict ce mardi 14 avril 2020. Le juge donne raison à la plainte de Solidaires, soutenue par les Amis de la Terre et limite l’activité d’Amazon aux produits d’hygiène, alimentaires et médicaux, tant qu’un accord n’aura pas été trouvé entre la direction et ses salariés sur les mesures sanitaires. Alors qu’Amazon a annoncé à plusieurs reprise vendre uniquement des produits de première nécessité, elle continue en réalité de livrer des produits pour 90% non-essentiels, sans garantir la protection de ses salariés face au COVID-19. Une situation dangereuse qui a conduit à l’hospitalisation de 2 d’entre eux. Elle s’explique par la campagne de désinformation menée par Amazon France et par les incohérences dans la politique sanitaire du Gouvernement. Décryptage.
Depuis près d’un mois, les Amis de la Terre, aux côtés des salariés et des syndicats, dénoncent les fausses informations délivrées par Amazon France[1]. La multinationale annonçait depuis près d’un mois limiter la livraison aux produits de première nécessité et garantir la protection des salariés de ses entrepôts au-delà même des recommandations gouvernementales.
Il n’en est rien, comme le reconnaît le tribunal judiciaire de Nanterre aujourd’hui, saisit par le Syndicat SUD Solidaires, accompagné en intervention volontaire par les Amis de la Terre. Le juge a ordonné à l’entreprise de limiter son activité aux marchandises essentielles, dans les 24h et sous astreinte d’1 million d’euros par jour de retard. Ces marchandises concernent les produits d’entretien, d’hygiènes corporelles, ainsi que les produits alimentaires et médicaux, dans l’attente d’une évaluation des risques épidémiques conjointe avec les représentants du personnel !
Le jugement a estimé, à la lumière des nombreuses pièces apportées par le syndicat, que l’entreprise continue de livrer plus de 90% de produits non-essentiels, mettant en péril la vie de ses salariés. A l’heure où tous les sites dénombrent des cas de Covid-19, et que 2 salariés ont été placés à l’hôpital dont un salarié du site de Brétigny-sur-Orge en réanimation depuis plus de 2 semaines. Le juge a pu noter que les 6 entrepôts principaux d’Amazon France continuent de regrouper entre 500 et 2700 salariés par site, avec des mesures de protections et de distanciations sociales jugées insuffisantes. Dans ces sites où la promiscuité est importante, les risques de contracter le Covid-19 sont évidents.
Cette décision confirme le bien fondé des lettres à Bruno Lemaire et Muriel Pénicaud envoyées par les Amis de la Terre depuis plusieurs semaines ainsi que celui de sa campagne d’interpellation sur les réseaux sociaux révélant, capture d’écran à l’appui, que toute sorte de produits non essentiels sont toujours livrés par Amazon. Tatiana Campagne, élue SUD-Solidaires du site de Lauwin-Planque (Nord) estime même que si Amazon respecte la décision du tribunal “on peut diviser par 10 voire par 15 le volume de marchandises vendues par rapport à aujourd’hui”.
Les Amis de la Terre regrettent qu’il ait fallu agir en justice pour obtenir une décision que le Gouvernement aurait dû prendre depuis plusieurs semaines. Avec Solidaires, ils craignent un refus de la multinationale de payer les chômages partiels engendrés par les délais de mises en place des nouvelles mesures sanitaires, voir même, que l’entreprise en appelle à l’aide de l’Etat.
Alma Dufour, chargée de campagne Surproduction aux Amis de la Terre, explique : “ Ce serait un scandal, qu’Amazon refuse de prendre en charge le coût des chômages partiels. Il s’agit de l’entreprise dans laquelle investissent le plus les marchés financiers. Grâce à l’explosion de son activité mondiale pendant le COVID 19, son action a même atteint son plus haut niveau historique. Les vendeurs de la marketplace d’Amazon fraudent à 98% la TVA d’après Bercy[2], un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour l’Etat. La multinationale a élaboré un schéma d’optimisation fiscale à grande échelle qui lui permet de payer quasiment aucun impôt en Europe[3], voire même de recevoir plus d’argent qu’elle n’en paie aux Etats-Unis[4]! Amazon a les moyens de prendre soin de ses salariés, et l’on espère que cette décision de justice marque un tournant qui aidera à remettre en cause l’impunité fiscale, environnemental
[1] France 24 : Coronavirus: Amazon cesse les commandes “moins prioritaires” en France et en Italie, 21 mars
[2] Capital, Bercy constate une fraude massive à la TVA sur Amazon et Cdiscount, 9 décembre 2019
[3] The Guardian, Amazon Europe received €241m in tax credits in 2018, 9 septembre 2019
[4] Attac, les Amis de la Terre et Solidaires, Impunité fiscale, environnementale et sociale: immersion dans le modèle Amazon, novembre 2019