Daté du 13 janvier 2020, un courrier vient d’être adressé au Conseil d’administration du Groupe Casino Guichard Pérachon (Saint-Etienne) avec copie à l’attention de Benoît de Juvigny, secrétaire général de l’AMF, à l’initiative de l’association ACTION CASINO pour la défense des actionnaires minoritaires de Casino. Souhaitons qu’une issue positive puisse être trouvée pour tous les acteurs de ce dossier sensible, autant pour Jean-Charles Naouri, les holdings du groupe (notamment Rallye), comme pour les 220.000 salariés de l’entreprise.
Le courrier envoyé au Conseil d’administration du Groupe Casino
Etant donné l’importance de cette demande, et pour comprendre l’agitation des commentaires de la presse financière sur l’action Casino Gichard Perrachon (CO) en Bourse nous reprenons – sans commentaire – le contenu intégral du courrier envoyé par ACTION CASINO au Conseil d’administration du Groupe Casino :
« Mesdames, Messieurs les administrateurs,
En notre qualité de membres fondateurs de l’association de défense des investisseurs et des actionnaires de long terme de la société Casino Guichard-Perrachon « ACTION CASINO », nous nous permettons de vous adresser les observations ci-après relatives aux conflits d’intérêts affectant Monsieur Jean-Charles Naouri, président-directeur général de Casino, du fait a) du niveau d’endettement abyssal de sa holding personnelle Rallye (et des autres entités en procédure de sauvegarde) et b) de ses fonctions de président directeur général au sein du groupe Casino.
Le 16 septembre dernier, nous avions fait part à Monsieur le Procureur Stephen Almaseanu de la nécessité, compte tenu de ces conflits d’intérêts, de demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire (et non d’une procédure de sauvegarde) à l’encontre de la société Rallye et de désigner un administrateur judiciaire prenant la responsabilité de la conduite de la période d’observation de Rallye, avec l’aval des créanciers sur les décisions importantes.
Nous nous sommes ensuite adressés à Maîtres Hélène Bourbouloux et Frédéric Abitbol par un courrier du 5 novembre dernier, en insistant à nouveau sur la situation de surendettement manifeste de la société Rallye, entraînant l’inévitable vampirisation du groupe Casino, en l’absence de conversion de la procédure de sauvegarde de Rallye en redressement judiciaire et d’apurement complet du passif rapide (autrement qu’au moyen de la distribution massive de dividendes par Casino).
Cette situation n’ayant toujours pas évolué, c’est à vous que nous nous adressons aujourd’hui pour soustraire le groupe Casino du service exclusif et, non contrôlé, des seuls intérêts de son dirigeant, Monsieur Naouri, ou de ses holdings personnelles.
En votre qualité de membre de conseil d’administration, vous êtes tenus d’un devoir de faire passer les intérêts de tous les ayant droits de la société devant ceux d’un dirigeant, certes de qualité, mais dont la priorité semble être de rembourser par tous moyens la dette de ses sociétés holding dont Rallye.
Nous ne pouvons imaginer qu’à une place telle que la vôtre, vous ne réalisiez le péril auquel le groupe Casino est aujourd’hui confronté.
L’existence d’un conflit d’intérêts manifeste au cœur du groupe Casino, compte tenu de la situation personnelle de Monsieur Naouri, à la fois président directeur général de Casino et actionnaire de contrôle surendetté du groupe, se traduit par un risque de transfert de valeur accru au détriment des actionnaires minoritaires et au profit de l’actionnaire de contrôle. Outre l’intérêt des actionnaires minoritaires de Casino de long terme, ce sont aujourd’hui des dizaines de milliers de salariés, pour beaucoup en situation économique précaire, dont les emplois doivent être protégés du risque manifeste d’appauvrissement de la société Casino. Pour cette raison, plusieurs mesures s’imposent.
1) Contrôle par les membres indépendants du conseil d’administration des opérations réalisées bénéficiant aux actionnaires de Casino
Une vigilance accrue du conseil d’administration est de mise, tout particulièrement en ce qui concerne le contrôle des opérations réalisées par le groupe Casino ayant des effets directs, comme indirects, sur la situation des entités contrôlées par Monsieur Naouri.
Le conseil d’administration n’a que trop tardé à gérer le risque de transfert de richesse indu au détriment de la société et de ses actionnaires minoritaires. Ce risque doit être traité de manière indépendante par le conseil d’administration, ce qui suppose qu’un certain nombre de décisions liées à la conduite des affaires de l’entreprise soient prises exclusivement par les membres indépendants dudit conseil. La société doit, à cet égard, attacher un soin particulier à la publicité du vote des administrateurs indépendants, compte tenu du caractère exceptionnel de la situation, notamment un décompte précis des participants et des votes recueillis doit être réalisé.
A minima, les décisions portant sur la politique de distribution du groupe, ainsi que les décisions concernant les cessions d’actifs (en ce inclus, le choix des banques d’affaires qui s’avèrent être trop souvent également des créanciers de Rallye), doivent être prises par les seuls membres indépendants du conseil d’administration, dans la mesure où, en l’état de la situation de l’actionnaire de contrôle, il existe un fort doute que ces cessions n’aient pour seule raison d’être que de permettre de remonter un montant suffisant de dividendes et ce, dans le seul intérêt de Rallye et des autres holdings de la pyramide.
Il semble à cet égard urgent de mettre en œuvre une politique de dividende raisonnable, conforme au strict intérêt social de Casino, c’est-à-dire qui ne mette pas en danger le développement du groupe sur le long-terme, au profit du sauvetage de son actionnaire de contrôle. La politique de distribution choisie doit pouvoir permettre de rémunérer l’actionnaire, tout en assurant le désendettement du groupe Casino, le retour à une notation financière moins dégradée, le maintien d’actifs permettant d’éviter l’érosion future de la rentabilité et, garantissant le non-transfert du risque financier sur les employés. La presse se fait l’écho de rapports d’analystes démontrant qu’il serait nécessaire d’ici à 2021 de contraindre Casino à distribuer plus de 2 milliards d’euros afin de pouvoir envisager de rembourser ne serait-ce qu’une partie de la dette de Rallye. Cette somme nous paraît complètement déraisonnable au regard de la situation financière de Casino (rappelons que Casino avait déjà du mal à distribuer un dividende à hauteur de 370 millions d’euros par an, au cours des années précédentes).
Une vigilance est également nécessaire en ce qui concerne le contrôle des différentes charges assumées par Casino, et ce, afin de s’assurer que Casino ne prend pas en charge des frais ou des dépenses en réalité relatifs à Rallye et à ses holdings. Il est à cet égard inenvisageable que Rallye et Casino continuent à avoir des conseils et des avocats communs, comme c’est le cas encore aujourd’hui.
2) Réalisation d’un audit indépendant rendant des comptes aux seuls membres indépendants du conseil d’administration
Par ailleurs, les membres indépendants du conseil d’administration devraient exiger de pouvoir faire conduire immédiatement un audit séparé de l’ensemble des opérations de restructuration en cours et désigner à cet effet un auditeur indépendant, ne rendant des comptes qu’à eux-seuls.
Toutes les sociétés faisant l’objet de turbulences du fait de la défiance du marché (se traduisant par un haut niveau de vente à découvert), comme par exemple le groupe Wirecard en Allemagne, organisent des audits indépendants pour rassurer leurs actionnaires et le marché en général.
Pour quelle raison Casino ne l’a-t-elle pas encore fait, alors même que la première enquête AMF a montré des approximations importantes dans la présentation des résultats financiers et que nous restons dans l’attente des résultats de la seconde enquête AMF débutée fin novembre 2018 ?
3) Remplacement de Monsieur Naouri dans ses fonctions de président-directeur général de Casino
La situation impose un changement à la tête de l’entreprise. Monsieur Naouri devrait prendre exemple sur le président du conseil de surveillance de Wirecard qui vient de démissionner. Son directeur général devrait lui emboiter le pas sous peu.
En tant que membres du conseil d’administration de la société Casino, vous devriez procéder au remplacement de Monsieur Naouri dans ses fonctions de président-directeur général de Casino, et en nommant pour le remplacer un dirigeant indépendant et capable de prendre les décisions requises sans que de tels conflits d’intérêts ne soient plus susceptibles d’affecter la gestion du groupe.
Si rien ne change, tôt ou tard, le groupe, devant l’incapacité à faire face aux dettes personnelles des holdings de Monsieur Naouri, sera contraint de vendre un à un tous ses plus beaux actifs : soyons clair, un tel démantèlement mettra à jour, sans conteste, le caractère anormal de tels actes.
Vous serez tenus directement responsables de cette situation.
Veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les administrateurs, l’expression de notre considération et de notre sincère préoccupation.
Xavier Kemlin
Président de l’association Action Casino
Pierre-Henri Leroy
Secrétaire Général »
Extrait des résultats du Groupe Casino
En guise de réflexion sur la présentation du chiffre d’affaires 2019 annoncés par le groupe :
- Sur l’année 2019, chiffre d’affaires de 34,6 Mds€ [1], +4,2% [2] en organique et +2,2% [2] en comparable
- Au T4 2019, chiffre d’affaires de 9,2 Mds€ [1], +3,6%2 en organique et +1,6% [2] en comparable
- En France, chiffre d’affaires stable en comparable, croissance organique forte au Latam (+9,2%)
- Réorganisation des activités en Amérique Latine
[1] Le chiffre d’affaires de Leader Price est désormais présenté en activité abandonnée. Conformément à la norme IFRS 5, les données de Leader Price relatives à l’exercice 2018 ainsi que celles relatives aux précédents trimestres de l’exercice 2019 ont fait l’objet d’un retraitement en activité abandonnée
[2] Hors essence et calendaire. Le chiffre d’affaires et les croissances totale et organique sont impactés par le plan Rocade
[3] Y compris chiffre d’affaires intragroupe