Avis du CESE sur les circuits de distribution

Redonner sens, valeur et confiance à l’alimentation, telle est la demande exprimée de plus en plus fortement par les consommateurs français, mais aussi par la plupart des acteurs des circuits de distribution des produits alimentaires.

La Loi de Modernisation de l’Economie de 2008 (LME) a modifié les relations fournisseurs-distributeurs dans un contexte de guerre des prix, en réduisant les marges à un niveau historiquement bas sans pour autant que le consommateur en perçoive vraiment les bénéfices. Cette concurrence exacerbée a engendré des conséquences néfastes pour l’ensemble des acteurs du secteur. Par ailleurs, certains scandales alimentaires ont suscité la défiance des consommateurs qui demandent à être mieux informés.

Enfin, le cadre réglementaire de la distribution a beaucoup évolué ces dernières années, sans pour autant qu’un équilibre satisfaisant pour tous les acteurs ne soit trouvé. Ces dernières semaines encore, une proposition de loi visant à « mieux définir l’abus de dépendance économique » entre un fournisseur et son distributeur était discutée au Parlement, soulevant l’opposition d’une grande partie des acteurs de la filière. Face aux enjeux considérables auxquels sont confrontés les circuits de distribution, la section de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation formule un ensemble de recommandations concrètes pour favoriser les dispositifs qui garantiront une répartition équitable de la chaine de valeur et qui contribueront à renforcer la confiance des consommateurs.

REUNIR LES CONDITIONS D’UN MEILLEUR EQUILIBRE DES RELATIONS COMMERCIALES

Le CESE demande que soit dressé le bilan de la LME pour évaluer ses conséquences sur la situation des différents acteurs, l’évolution des mécanismes de formation des prix et des marges et les implantations de nouvelles surfaces commerciales. Dans l’immédiat, le CESE plaide pour un renforcement des contrôles afin de mettre un terme aux pratiques illégales. Il formule aussi plusieurs préconisations concrètes pour améliorer le déroulement des négociations commerciales : information juridique, développement de la formation des acteurs à la négociation, organisation des négociations dans un lieu extérieur si l’une des parties le demande…

Au-delà, l’avis pose la question du maintien de la date butoir de fin des négociations (actuellement fixée au 28 février), notamment pour les PME, et milite pour un recours plus large aux contrats pluriannuels. Il envisage, pour certains produits, un système de négociations en deux temps, tout en faisant état des risques qu’il présenterait pour les entreprises de transformation, notamment à statut coopératif. 2 Afin de garantir une plus grande transparence sur les implantations commerciales, le CESE propose de faire évoluer les CDAC (Commissions départementales d’aménagement commercial) en commissions régionales et de rétablir la possibilité d’une saisine de la CNAC (Commission nationale de l’aménagement commercial) par les associations environnementales agréées.

Par ailleurs, le CESE estime essentiel de renforcer le rôle des interprofessions pour leur permettre de contribuer à une répartition plus équitable de la valeur entre tous les acteurs. La prise de décisions en leur sein doit être facilitée et les marges de manœuvre dont elles disposent au regard du droit de la concurrence, expertisées. Les interprofessions pourraient ainsi définir des indicateurs de marché, élaborer des contrats-cadres ou fixer des niveaux planchers et plafonds de prix et volumes. Parallèlement, les organisations de producteurs (OP) devraient être davantage reconnues comme interlocuteurs dans les négociations commerciales. Dans cette voie, il convient d’expliciter et de préciser leurs relations avec les acheteurs dans un document contractuel unique, mais aussi d’étudier l’intérêt et la faisabilité de mettre en place ou de développer des OP multiproduits. Enfin, le CESE appelle tous les acteurs à s’engager dans la démarche du label « relations fournisseurs responsables ».

DEVELOPPER LES CIRCUITS DE PROXIMITE PAR LA TERRITORIALISATION

Le CESE milite pour une consolidation des filières territorialisées et un développement de la consommation de produits issus de circuits courts et de proximité. Il prône pour cela une meilleure articulation entre les outils existants (Programmes régionaux d’agriculture durable – PRAD – et les Projets alimentaires territoriaux – PAT-). Il met l’accent sur la lutte contre le gaspillage et demande qu’y soit consacré un volet impliquant tous les maillons dans les plans régionaux. Il suggère de miser sur l’effet de levier que peut représenter une offre alimentaire durable et de proximité dans la restauration collective. Pour progresser dans cette direction, un état des lieux des ressources et des besoins doit être dressé à l’échelle locale avant, le cas échéant, de réimplanter des structures de transformation. Le CESE s’attache également à répondre aux attentes des régions ultramarines. Afin d’y développer les circuits de proximité, il souhaite que soient favorisées les productions vivrières.

INFORMER LES CONSOMMATEURS, S’APPUYER SUR SES CHOIX ET RENFORCER LEUR CONFIANCE

La domination de la seule logique de prix est préjudiciable à l’ensemble de la filière. Convaincu du rôle crucial que peuvent jouer des consommateurs bien informés, le CESE souhaite les sensibiliser aux impacts de leurs pratiques d’achat en termes économiques, sociaux et environnementaux. Cela impliquera de mieux identifier et donc de rendre cohérents les signes officiels de qualité et d’origine, mais également d’améliorer la traçabilité et l’information à destination des consommateurs.

Sur ce point, le CESE soutient l’expérimentation par la Commission européenne de l’étiquetage de l’origine des viandes et du lait dans les produits transformés, qu’il demande d’élargir à d’autres constituants de produits alimentaires préemballés, notamment d’origine végétale (farine, huile, sucre, poisson, œufs…) occupant une place importante dans la composition de ces produits. Au vu de l’impact de la publicité et des médias sur les comportements alimentaire, le CESE est favorable à un strict encadrement réglementaire, voire à une interdiction, des comparateurs de prix et de la publicité comparative entre distributeurs, mais également à la réglementation des publicités « papier ». Enfin, il lui apparaît indispensable de développer « un open data européen des circuits de distribution », alimenté par les acteurs et notamment le ministère de l’agriculture via le site opendata.gouv.fr [NDLR : qui n’est d’ailleurs pas à cette adresse mais sur https://www.data.gouv.fr/fr/ !].

« Au-delà de la chaîne de valeurs qui doit être mieux répartie au sein de la filière alimentaire, c’est le sens même de notre alimentation qui est interrogé dans ses dimensions sociétale et environnementale. Les acteurs de la filière doivent davantage se parler, contractualiser, et trouver leur intérêt commun. La loi ne peut pas tout, et il y a une responsabilité collective des producteurs, des distributeurs mais aussi des consommateurs pour trouver un mode de fonctionnement plus équilibré au bénéfice de tous. Ce sont les conditions et les moyens de cette responsabilité que notre avis se propose de présenter» déclare M. Albert Ritzenthaler.

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Albert Ritzenthaler présente son avis sur les circuits de distribution


Séance du 11 mai 2016 : les circuits de distribution des produits alimentaires

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