Avec un cours de bourse qui frôle les 18% de hausse depuis le début de l’année 2016, le groupe Casino-Guichard survol littéralement l’ensemble du CAC40 en baisse globale de 4,51% sur la même période. On peut se poser la question de savoir s’il ne s’agit pas là d’un défi majeur que Casino-Guichard pose finalement à l’agence de notation Standard & Poor’s ainsi qu’aux spéculateurs qui pariaient la baisse.
Entendons-nous bien, Carrefour – sur la même période – vient de perdre de son côté 10,56% de valeur boursière. Le marché n’est donc pas tendre dès que l’on présente quelques faiblesses. Explications.
Le processus étrange de Standard & Poor’s pour dégrader Casino-Guichard
La dégradation de la note de crédit du groupe Casino-Guichard opérée par l’agence américaine Standard & Poor’s (S&P), passant de BB+ à BBB- (catégorie spéculative) avec une perspective stable, tiendrait essentiellement à la détérioration du profil de risque du retailer lié à une très forte baisse de capacité de profit ainsi qu’à une faiblesse persistante du Brésil.
C’est en tout cas ce qui a été évoqué lors d’une conférence téléphonique de 52 minutes suivie de quelques questions-réponses, organisée à destination des analystes le 21 mars 2016 après-midi, animée par Leandro De Torres – Directeur Senior implanté à Madrid – ainsi que par Raam Ratnam – Directeur Senior et chargé du secteur retail, implanté pour sa part à Londres.
S&P a annoncé pendant ce webcast plusieurs modifications dans le calcul des ajustements financiers :
- TRS : S&P ajoute désormais à la dette de Casino la juste valeur des TRS (522M€). Ces Total Return Swap, ou dérivés de crédit sur transfert de rendement en bon français, sont des outils de couverture de risque qui n’étaient pas jusqu’alors traités de cette manière par l’agence qui intègre désormais ce passif potentiel à compter de la fin 2015.
- Loyers : S&P a indiqué avoir modifié son calcul de l’ajustement de dette relatif aux engagements de loyers. L’agence porte ainsi son attention sur le Brésil, où elle prend désormais en compte l’ensemble des loyers dus jusqu’à la maturité des baux et non plus seulement sur les paiements « minimums » comme habituellement. Cette modification conduit inévitablement à une augmentation significative du montant de l’ajustement.
- « Surplus cash » : S&P a indiqué avoir refondu ses ajustements sur la trésorerie excédentaire du Groupe Casino. Standard & Poor’s a ainsi adopté une approche plus précise permettant d’estimer la trésorerie non disponible, en ne prenant pas en compte le cash excédentaire à la dette ajustée de chacune des filiales, la trésorerie en Argentine (compte tenu du niveau élevé de risque pays) et la trésorerie mobilisée dans les opérations.
- Captive Finance : Cet ajustement vise à retraiter l’impact des activités de crédit à la consommation que le Groupe Casino diffuse auprès de ses clients. L’agence S&P a ainsi indiqué avoir opéré une modification dans le calcul de cette dette.
Pendant ce temps, S&P n’a toujours pas intégré à la fois les perspectives réelles de baisse de la dette de Casino liée à la vente de Big C, sa filiale Thaïlandaise, pour un montant de 3,1 Mds€, ainsi que le désengagement du Vietnam pour 1 milliard. Ces deux opérations ramènent pourtant à 2,2 Mds€ la dette nette du groupe, soit moins de 0,9 fois l’Ebitda attendu cette année.
Pas de chance pour Muddy Waters et ses acolytes short sellers
L’impact cumulé de tous ces changements saupoudrés de-ci, de-là est sans doute significatif… mais pourquoi oublier un tel désendettement déjà acté ? Peut-être d’autres facteurs sont-ils à prendre en compte. Il est toujours amusant de constater que les trois premiers points évoqués ont été soulevés par Muddy Waters via son représentant Carson Block… Faut-il actuellement venir au secours des amis short sellers qui sont depuis des semaines dans la panade et ne savent comment se sortir de la situation ? La question est posée. Le marché financier, pour sa part, reste particulièrement cohérent, défiant pour une fois les positions à courte-vue.
La cession de Big C Thaïlande
Le groupe Casino a réalisé la cession de sa participation dans Big C Supercenter PCL, coté en Thaïlande (« Big C ») à l’une des filiales du groupe TCC, le groupe thaïlandais Berli Jucker (BJC). Le produit de cette cession s’élève à 3,1 Mds€, permettant un désendettement du Groupe de 3,3 Mds€ (en incluant la dette financière nette de Big C) avec une plus-value de 2,4 Mds€.
Les actions Big C, acquises en 1999 pour un prix moyen de 9 Bht par action, ont été cédées à 252,88 Bht par action, soit une prime de 28% par rapport au cours du 14 janvier 2016. Cette transaction valorise Big C à un multiple de chiffre d’affaires 2015 d’environ 1,7x et un multiple d’EBITDA 2015 de 16,8x.
Cette cession s’inscrit dans le cadre de la politique constante d’acquisition d’actifs clés et de cession d’actifs matures menée par le Groupe depuis 10 ans.
Enfin, dans le cadre de cette transaction, Cnova a procédé à la cession de ses intérêts économiques dans Cdiscount Thaïlande au groupe BJC pour un montant total de 28 M€. Reuters nous apprends d’ailleurs que “Berli Jucker devrait verser le montant de l’acquisition à Casino d’ici la fin du mois et prévoit de racheter les parts des actionnaires minoritaires dans le cadre d’une offre publique d’ici mai, a précisé une source.”
Standard & Poor’s danse une salsa Brésilienne
La logique de l’agence de notation S&P est d’autant plus difficile de suivre qu’alors qu’elle annonçait le 21 mars au matin la dégradation d’un cran de la note de Casino en Europe, en mettant sévèrement en avant les difficultés de l’implantation du Groupe au travers de sa filiale GPA au Brésil, le soir même elle décidait de maintenir inchangée la note, excellente, de la même filiale de Casino à AA+, perspective stable, à Sao Paulo ! Sans doute un coup de l’esprit festif de grand carnaval…
C’est la raison pour laquelle l’agence de notation vient de faire passer une explication texte sur sa position précisant pourquoi avoir déclassé Casino Guichard-Perrachon & Cie S.A. L’agence indique prendre en compte la baisse substantielle du bénéfice de Casino en 2015, et pense que la rentabilité restera sous pression courant 2016 en raison des faibles conditions macroéconomique du Brésil et les pressions concurrentielles continues dans l’environnement français du secteur de la distribution. D’ailleurs, dans sa note du 15 janvier 2016, l’agence a déclaré qu’elle pourrait abaisser “la note à long terme sur Casino au plus de deux crans”, précise l’analyste de crédit de Standard & Poor Raam Ratnam qui ajoute que “l’impact négatif résultant sur son profil de risque de l’entreprise, et l’augmentation de la dette ajustée à la fin de 2015, ont été atténuées par son programme de cession d’actifs importante et rapide. Par conséquent, la dégradation était limité à un cran, principalement grâce à la forte concentration de la direction sur le deleveraging”.
Une note a d’ailleurs été réalisée pour synthétiser la position de l’agence, à la demande des investisseurs intitulée “Why Has Standard & Poor’s Downgraded International Retailer Casino?“
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